Communiqué du Syndicat de la magistrature faisant suite aux nombreuses déclarations sur la situation des populations Roms en France.

Roms : de l'indignation à l'indignité
30 juillet 2010 : Nicolas Sarkozy, à la peine dans les sondages, prononce le sinistre discours de Grenoble.
Août 2010 : son ministre de l’intérieur diffuse une circulaire clairement discriminatoire encourageant les préfets à entreprendre une « démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux des Roms ».
Ce discours et cette circulaire soulèvent alors émotion et indignation dans les rangs de la gauche, l’actuel premier secrétaire du parti socialiste – bien discret ces derniers jours … - réclamant même à la commission européenne « d’engager une procédure d’infraction à l’encontre du gouvernement français pour que cesse le traitement indigne et la stigmatisation inacceptable des citoyens européens que sont les Roms ».
Trois ans et une alternance plus tard…
Alors que Marine Le Pen, fidèle à la stratégie populiste nauséabonde de son père, désigne à la vindicte populaire ceux qui

« font une razzia » en France et la transforment en « dépotoir », et agite le spectre de la « guerre civile »

;
Alors qu’un maire UMP du Nord de la France, élu d'une République dont il foule aux pieds les valeurs essentielles, accuse sans la moindre preuve les Roms, récemment arrivés sur le territoire de sa commune à la suite de l'évacuation d'un campement en banlieue lilloise, d'être responsables d'une série de vols et légitime par avance le meurtre de l'un de ceux qui « n'ont rien à faire » sur sa commune ;
Alors que la candidate UMP à la mairie de Paris, ranimant le fantasme de l'invasion barbare, stigmatise ceux qui « harcèlent » les Parisiens et ne chercheraient qu’à les « dépouiller » ;
Alors qu’une certaine presse - de Valeurs actuelles et son et sa cartographie des campements Roms - n'est pas en reste …
..Que fait le gouvernement ?
Il s’indigne ? Il combat les préjugés, les fantasmes sur ces

« êtres immondes » - que l'on nous décrit à l’envi « pillant » nos villes et nos campagnes, « harcelant »

nos enfants à la sortie des écoles, préférant vivre au milieu des immondices - en rappelant leur droit à la dignité et au respect ? Il dément ce mythe de l’invasion en rappelant que la population Rom en France est stable depuis plusieurs années ? Il explique que ces citoyens européens ont le droit de circuler librement et que les 15 à 20 000 Roms présents en France – dont près de 10 000 enfants – ne sont pas des chefs mafieux mais, pour la très grande majorité d'entre eux, de pauvres gens fuyant la misère et l'exclusion qui ne représentent pas une menace pour l’ordre public ? Il entreprend une réelle politique d’accueil, d’intégration destinée à améliorer le sort de ces populations et à désamorcer les tensions ?
Non, il expulse, il évacue, il déplace, explosant les records de l'ère Sarkozy, et il stigmatise, épousant tous les clichés et la rhétorique sécuritaire de ses prédécesseurs. Car, le ministre de l'intérieur et le président de la République nous y exhortent : il faut être « réalistes », ces gens qui ne vivent pas comme nous ont « vocation » à être renvoyés dans leur pays.
Alors, qu’importe si la circulaire relative « à l'anticipation et l'accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » prévoyant le relogement des personnes concernées n’est pas appliquée, valant il y a quelques mois à l’Etat une condamnation par le tribunal administratif de Lyon ;
Si de nombreuses communes refusent de scolariser les enfants Roms au fallacieux prétexte que les familles ne justifieraient pas être domiciliées sur leur commune ;
Si le suivi médical, la scolarisation des enfants, comme tout le travail des associations oeuvrant pour l’intégration de ces personnes, sont mis à mal par ces incessants déplacements forcés, comme le relève un récent rapport d'enquête réalisé par Amnesty International en régions lilloise et lyonnaise ;
Si l'accès au monde du travail leur est limité par les restrictions voulues par la France ;
Qu'importe, car le ministre de l'intérieur et le président de la République nous le répètent en choeur : ils ne veulent pas s’intégrer !
Et qu’importe si les associations qui les accompagnent comme les dispositifs mis en place par quelques trop rares collectivités locales démentent cette affirmation tout aussi absurde que scandaleuse et témoignent, s’il en était besoin, de la capacité et de la volonté d’intégration de ces populations.
Entre l’humanité et la fermeté qui devaient caractériser la politique menée, le gouvernement a choisi. Et pour une grande partie de la gauche, en campagne pour des élections municipales qui s’annoncent difficiles pour elle, il faut démanteler ces campements et organiser le retour de ces populations qui suscitent l’exaspération des riverains, afin de « mettre un terme à l’hémorragie Rom en France », dénoncée par le maire socialiste de Clermont-Ferrand : l'indignation d’hier a laissé place à l'indignité …