Fidèle à sa doctrine selon laquelle « le problème de la police, c’est la justice », ainsi que l’avait déclaré son secrétaire général l’année dernière au cours d’une manifestation de policiers, le syndicat Alliance police, rejoint par l’UNSA Police et Synergie Officiers, appelle de nouveau à manifester contre une décision de justice qu’il qualifie d’inadmissible, estimant que le policier qui a mortellement tiré sur deux personnes est « victime du système judiciaire qui continue à rester l’ombre de lui-même ».

La critique, même acerbe, du système judiciaire n’est pas en soi un problème. Mais force est de constater que cette réaction des syndicats de police devient quasi- systématique à chaque décision de justice perçue – même à tort – comme défavorable aux policiers, et sous-tend une vision de l’action de la police incompatible avec l’État de droit et la confiance que les citoyens doivent avoir dans leurs forces de l’ordre.

Ainsi, alors qu’aucun jugement n’a encore été rendu et que seule une mise en examen a été prononcée dans le cadre d’une procédure d’instruction, des syndicats de policiers trouvent scandaleux – au point d’appeler à descendre dans la rue – qu’une enquête soit menée sur les circonstances dans lesquelles un jeune gardien de la paix, seul porteur d’une arme létale dans un équipage de trois policiers, s’est retrouvé à faire feu à de nombreuses reprises sur un véhicule contrôlé par ses collègues, causant la mort de deux personnes et en blessant une troisième.

Un rappel de quelques fondamentaux s’impose : une décision de mise en examen n’est pas une condamnation ; la personne mise en examen n’est jamais présumée coupable mais toujours présumée innocente ; ce statut lui ouvre des droits nécessaires à sa défense dans le cadre d’une instruction qui est la meilleure garantie d’investigations menées en toute indépendance sur le déroulement de faits qui ont entraîné la mort de deux personnes à l’issue d’une opération de police. Ces investigations permettront de

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réunir des preuves sur ce qu’il s’est passé et de retenir, le cas échéant, l’état de légitime défense si les critères légaux sont remplis.

Qu’induit la « présomption de légitime défense » revendiquée par certains syndicats de police ? Dans quel régime politique des policiers peuvent-ils blesser ou tuer et jouir d’une présomption qui les dispense de s’en expliquer ? Et qui aurait envie de vivre sous un tel régime d’impunité d’une police armée ?

Les citoyens ne doivent pas avoir peur de leur police. C’est au prix d’une soumission au droit de l’usage de la force, d’une nécessité et d’une proportionnalité qui doivent pouvoir être vérifiées, que les forces de l’ordre sont perçues comme des agents de la paix publique et s’assurent de la confiance des citoyens. Dans un État de droit, l’usage de la force se fait sous le contrôle du juge. Comment ce principe cardinal, garant de notre sûreté à tous, est-il devenu si insupportable à des syndicats de policiers ?

Essayer de dresser les policiers contre les juges est en tout cas un jeu dangereux pour l’État de droit, tant il conduit, en définitive, à attiser la défiance de toute une population contre sa police et sa justice.

 

Communiqué de presse du 2 mai 2022

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