Indépendance et service public de la justice

Après le 9 mars, la mobilisation unitaire continue!

Des milliers d’agents du ministère de la justice, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, citoyens étaient, le 9 mars, dans les rues de Paris ou devant les tribunaux pour crier leur inquiétude et leur colère devant l’asphyxie et la mise sous tutelle qui menacent la justice en France.

À cette mobilisation, sans précédent et unitaire, du monde judiciaire, Madame la ministre de la Justice et des Libertés a répondu… par un communiqué de presse qui affirme que tout va bien, vu de la place Vendôme.

La garde des Sceaux, qui n’a même pas jugé opportun de rencontrer elle-même une délégation, n’hésite pas à affirmer sa volonté d’écoute et de transparence tout en altérant la vérité. Les organisations professionnelles de la justice ne peuvent admettre un tel mépris face à leurs légitimes inquiétudes.

Non, les réformes ne sont pas menées dans la concertation. Elles sont ficelées dans l’opacité et non négociables sur l’essentiel.

Non, la mise en oeuvre des réformes ne se passe pas dans les meilleures conditions, mais s’accompagne de la dégradation des conditions de travail et du service rendu aux justiciables.

Non, la réforme de la procédure pénale n’a pas pour seul objet de rassembler des règles éparses, mais bouleverse de fond en comble les équilibres antérieurs.

La vérité, c’est que l’augmentation du budget du ministère de la justice a été pour l’essentiel consacrée à la création de places de détention, pour « gérer » les effets d’une absurde politique du tout répressif sans endiguer par ailleurs la surpopulation carcérale.

La vérité, c’est que la réforme pénale annoncée substituerait à un juge indépendant un procureur hiérarchiquement soumis à l’exécutif. Elle ne permettrait en aucune façon l’exercice effectif des droits de la défense, que ce soit au stade de la garde à vue ou au stade de l’enquête et autoriserait le pouvoir politique à choisir qui il veut poursuivre ou ne pas poursuivre. La réforme des prescriptions aurait pour conséquence une quasi impunité pour les délinquants financiers.

La vérité, c’est que ni le nombre de magistrats, ni celui des personnels des juridictions ne permet de faire face aux besoins.

La vérité, c’est qu’une fois de plus, les moyens de la PJJ diminuent et que ses missions éducatives sont restreintes.

La révision générale des politiques publiques (RGPP) entraîne :

- la fermeture des petites prisons et la construction d’énormes usines pénitentiaires privatisées

- la fermeture de services éducatifs pour les mineurs

- la fermeture de services pénitentiaires d‘insertion et de probation

- une pression insupportable dans le travail des juridictions

- la désorganisation de l’administration centrale

- des heures supplémentaires non payées

- l’instabilité et le découragement dans l’ensemble de l’administration
une dégradation générale des conditions de travail et du service public

Cette politique de rigueur qui ne dit pas son nom (la justice vient encore de perdre 25 millions d’euros destinés au « plan de relance ») rendra la justice encore moins accessible aux citoyens, en particulier avec la baisse drastique du budget consacré à l’aide juridictionnelle.

Le démantèlement du service public de la justice est à l’oeuvre.

Certes, il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre, mais la dynamique enclenchée par cette mobilisation sans précédent ne restera pas sans lendemain.

Dans leurs pratiques quotidiennes, ceux qui, hier, étaient dans la rue sauront se faire entendre. Cette journée du 9 mars n’est qu’un premier pas. D’autres actions suivront, avec une détermination sans faille.


Plus que jamais, fonctionnaires, contractuels, magistrats et avocats seront au coude à coude pour défendre le service public de la justice et s’opposer aux tentatives de mise au pas de celui-ci.


Il en va du respect des personnes, de la démocratie et des droits des citoyens.

Paris, le 19 mars 2010

Organisations signataires: SAF, CGT-pénitentiaire, CGT-PJJ, SM, Solidaires-Justice, ANJI, SNEPAP, SNPES-PJJ, AJM, EGJP, AFMI, AFMJF, FO-magistrats, ANJAP, SJA, CGT-services judiciaires, USMA.