Madame la garde des Sceaux,

Nous souhaitons appeler votre attention sur la situation très préoccupante du parquet du tribunal de grande instance de Nanterre.



Lors d’une réunion extraordinaire qui s’est tenue le 20 mars dernier suite au suicide d’un substitut du procureur, survenu le 7 mars, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la juridiction a sollicité, à l’unanimité des présents, que soit diligentée une inspection des services du parquet. Une note faisant état de cette demande devrait, si vous ne l’avez déjà en votre possession, vous parvenir prochainement.



Rien ne permet pour le moment d’affirmer que le décès de ce collègue soit imputable à ses conditions de travail. Néanmoins, il n’est pas anodin que les représentants des personnels de la juridiction aient souhaité qu’une étude approfondie de l’environnement de travail des magistrats et fonctionnaires du parquet soit effectuée après ce suicide, qui, vous vous en doutez, a causé un profond trouble au sein de ce service, et plus largement du tribunal.



Au-delà de cet événement douloureux, nous avons déjà eu maintes fois l’occasion de dénoncer auprès de votre prédécesseur le comportement fort peu déontologique du procureur de cette juridiction. Ces démarches sont restées vaines, les liens de proximité de Philippe Courroye avec l'ancien président de la République n'étant certainement pas étrangers à cette inertie. Pourtant, outre que M. Courroye n’a pas hésité à déjeuner avec les protagonistes d’affaires sensibles dont il avait ou pouvait avoir à connaître – notamment avec Jacques Chirac avant de requérir un non-lieu dans le dossier dit des « emplois fictifs de la Ville de Paris »... –, la presse a révélé qu’il avait demandé à des enquêteurs de vérifier les factures téléphoniques détaillées d’Isabelle Prévost-Desprez et surtout de plusieurs journalistes, provoquant ainsi l’ouverture d’une information judiciaire dans laquelle il a été mis en cause.

Plus généralement, les relations troubles entretenues par M. Courroye avec M. Ouart, alors conseiller justice à l'Elysée, et le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, révélées par Mediapart en juillet 2010 à partir des enregistrements du majordome de cette dernière, suscitent à elles seules des interrogations légitimes sur le sens de la déontologie de celui qui dirigeait alors seul cette enquête sensible, refusant d'en saisir un juge d’instruction.



Autant d’évènements, très largement relayés par les médias, qui ne peuvent que jeter le doute sur le fonctionnement de ce parquet, au préjudice de l’institution judiciaire en général et de la juridiction nanterroise en particulier.



Le premier président de la Cour d’appel de Versailles, saisi des propos tenus par Isabelle Prévost-Desprez dans le livre « Sarko m’a tuer » en septembre 2011, avait d’ailleurs lui-même conclu à la nécessité d’une inspection.



Il nous apparaît dès lors particulièrement urgent qu’une telle enquête soit diligentée au sein du parquet de Nanterre, ce qui permettra de ramener dans cette juridiction la sérénité nécessaire et de lui redonner, aux yeux de tous, l’image d’une justice impartiale.



Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la garde des Sceaux, l’expression de notre haute considération.



Pour le Syndicat de la magistrature,

Matthieu Bonduelle, président