Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature du 16 septembre 2013 en réaction à la diminution drastique du budget de l'aide juridictionnelle pour 2014. Dans une lettre "sur les autorisations de paiement pour 2014" adressée à la ministre de la justice le 24 juin dernier, rendue publique par le journal Le Monde le 14 septembre, le Premier ministre annonce ainsi que le budget dévolu à l'aide juridictionnelle sera amputé de 32 millions d'euros. Le Syndicat de la magistrature dénonce cette atteinte portée à l'accès à la justice pour les plus démunis.

De renoncement en renoncement, quelle justice pour la gauche ?
Après l'échec de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui devait conduire la justice, particulièrement instrumentalisée ces dernières années, à plus d'indépendance à l'égard du pouvoir politique, après le report de la réforme pénale qui devait permettre de revenir sur 10 années de politique du tout carcéral au profit d'une politique centrée sur l'individualisation de la peine et la réinsertion des délinquants, le gouvernement envisage désormais de réduire de 32 millions d'euros le budget de l'aide juridictionnelle.
C’est pourtant l’aide juridictionnelle qui permet aux plus fragiles et aux plus démunis (locataires, salariés, étrangers, personnes hospitalisées sous contrainte,…) de bénéficier de l'assistance gratuite d'un avocat, condition absolument nécessaire à une défense effective et de qualité pour tous.
Alors que la rémunération des avocats qui prêtent leur concours aux plus défavorisés n'a pas été revalorisée depuis 2007, le gouvernement prépare un tour « de passe-passe » qui aboutira à une diminution sans précédent de la rétribution d'une grande majorité d'avocats qui ne pourront plus dès lors accomplir correctement cette mission.
Les plafonds d’accès au bénéfice de l’aide juridictionnelle sont particulièrement bas et privent déjà de fait bon nombre de justiciables, dont la crise économique a accru la précarisation, de l’assistance d’un avocat. Cette baisse drastique du budget de l’aide juridictionnelle va priver une partie encore plus importante de la population de la possibilité de voir garantir ses droits.
Le Premier ministre prévoit de réaliser ces

« économies » grâce à un meilleur recours à « l'assurance juridique » et à la « déjudiciarisation de certaines procédures à la suite des conclusions des réflexions sur l'office du juge »

. Révélant ainsi par avance les conclusions des groupes de travail sur la justice du 21ème siècle, qui n'ont pas encore achevé leurs travaux, il signifie clairement que les décisions sont déjà prises et qu'elles n'ont qu'un seul but : gérer la pénurie en réduisant les missions pourtant fondamentales du juge, et en privatisant, par le développement de l’assurance, l’une des missions essentielles de l’Etat, garantir l’accès des citoyens à leur justice.
La suppression de la taxe à 35 euros, annoncée par Christiane Taubira au mois de juillet n'était donc qu'un trompe l'oeil. Ce sont les justiciables les plus démunis, et ceux qui les assistent, qui supporteront le coût de cette suppression.
La France, qui ne consacre à l'aide juridictionnelle que 4,9 euros par habitant contre 8 euros en moyenne en Europe, se devait de rattraper son retard et de mettre en place une véritable politique d'aide et d'accès au droit en direction des plus défavorisés. Le gouvernement a au contraire choisi de réduire encore son engagement.
Le Premier ministre a fait clairement connaître ses choix : il poursuit l'oeuvre de ses prédécesseurs, il en aggrave même les conséquences, et a renoncé à mettre en place une justice plus humaine, plus accessible, et égale pour tous.