Le 9 février 2022, en pleine séquence post-tribune des 3000 et États généraux de la Justice, notre syndicat avait déposé une plainte devant la Commission européenne contre l’État français (ministère de la Justice) pour manquement à la législation de l’Union Européenne concernant le temps de travail des magistrats, conjointement avec l’USM, l’AFMI (association française des magistrats instructeurs) et l’AFMJF (association française des magistrats de la jeunesse et de la famille).

Les quatre organisations plaignantes ont été entendues le 25 septembre dernier, à Bruxelles, par la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission européenne (unité droit du travail).

Si nous n’avons pas eu accès aux observations de l’État français – que le ministère a refusé de nous communiquer malgré notre demande, les échanges avec la Commission nous ont permis de comprendre que notre ministère soutient sans rougir que les magistrat·es sont des « travailleurs autonomes » au sens de la réglementation européenne et peuvent donc, tels des cadres dirigeants, organiser leur temps de travail à leur guise. Il soutient aussi qu’une réglementation trop tatillonne de la durée du travail risquerait de porter atteinte à l’indépendance de la justice.

Nous avons déconstruit le portrait fallacieux dressé par le ministère de la justice de nos conditions de travail dans les juridictions, en nous attardant particulièrement sur le lien de subordination entre les magistrats et leur hiérarchie dans l’organisation administrative. A l’inverse de ce que soutient notre ministère, nous avons expliqué que l’absence de toute limite à nos charge et temps de travail nous conduit à juger en « mode dégradé » et à faire des choix de contentieux ou des renoncements qui nuisent à notre indépendance.

Vous trouverez nos observations, auxquelles nous avons annexé de nombreux documents démontrant l’absence d’autonomie des magistrats (ordonnance de roulement fixant les audiences, permanences, périodes de congés imposées par note interne, applicatifs comme Pilot et autres moyens de contrôle, etc.), le caractère hiérarchisé de notre organisation administrative et les manquements de l’État-employeur à toutes les garanties minimales fixées par la réglementation européenne en matière de temps de travail (durée hebdomadaire du travail, temps de repos minimum, amplitude horaire journalière, etc.).

La séance s’est conclue par l’annonce d’une mandature finissante à l’approche des prochaines élections européennes et ainsi d’un aléa quant à la possibilité pour la Commission d’émettre un avis avant cette échéance. La capacité des institutions européennes à faire respecter le droit est incertaine tandis que le ministère profite de ce délai pour ne pas se saisir de la problématique. En attendant, nous pouvons continuer de travailler jour et nuit au mépris de la réglementation européenne.

Observations Commission européenne (344.86 KB)