Le 22 avril dernier, le Syndicat de la magistrature a été sollicité, aux côtés de l'USM, pour une audition en qualité de "partie prenante" dans la cadre de la rédaction de la seconde édition du rapport sur l'Etat de droit en Europe. Cette proposition d'audition a fait suite à notre contribution remise à l'occasion du premier rapport, ainsi qu'aux deux courriers que nous avions pu adresser conjointement avec l'USM à la Commission européenne au sujet des conflits d'intérêts de l'actuel ministre de la Justice.

Le questionnaire qui nous avait été préalablement adressé nous a permis d'aborder les thématiques suivantes, que vous trouverez de manière développée en pièce jointe :

Défis auxquels le système judiciaire français a été confronté depuis le précédent rapport : 

D'autres sujets étant abordés de manière plus spécifique dans les questions suivantes, nous avons fait le choix d'évoquer les questions de la surpopulation carcérale, la justice de proximité, l'inflation législative qui ne connaît pas de fin et l'open data des décisions de justice.

- Réforme constitutionnelle :

Outre l'incertitude de l'aboutissement de cette réforme au regard du calendrier législatif, nous avons mis en avant les limites inhérentes à cette réforme et développé nos revendications pour une réelle indépendance des magistrats du parquet mais aussi du siège.

Responsabilité des magistrats :

Nous avons insisté sur les dangers et enjeux sous-jacents à la saisine du Président de la République sur ce sujet, tout en soulignant les améliorations possibles, notamment s'agissant des pouvoirs actuellement très limités des commissions d'admission des requêtes.

Conflits d'intérêts du ministre de la Justice :

Nous avons pu, à la demande de la Commission, développer les événements intervenus depuis notre précédent courrier en date du 16 décembre 2020 et mettre en évidence l’inquiétant immobilisme de l’exécutif face à cette problématique. 

Impact de la pandémie sur le fonctionnement de la justice :

Nous avions déjà largement pu abordéer cette thématique à l'occasion de notre précédente contribution. Nous avons complété notre propos au regard du recul que nous pouvons désormais avoir sur les dispositifs mis en oeuvre dans le cadre du premier confinement (et notamment l'issue des recours que nous avions pu déposer contre les différentes ordonnances) et du fonctionnement de l'institution judiciaire durant les deux autres confinements. 

Dossiers civils longs et complexes :

Nous avons pu résumer à la commission la position que nous avions tenue devant la mission d'inspection diligentée à ce sujet, et notamment mis en avant qu'outre l'augmentation des moyens humains, une revalorisation des fonctions de juge de la mise en état et de juge chargé du contrôle des expertises était nécessaire, outre une amélioration de l'attractivité des fonctions civiles.

Enfin, nous avons pu alerter la commission européenne sur le fait que les travaux sur la définition de référentiels de charge de travail des magistrats n'avaient que peu avancé depuis notre précédente contribution et sur le risque de transposition tardive de certaines directives, notamment celle relative aux lanceurs d'alerte.

 

Contribution au rapport sur l'Etat de droit en Europe (128.02 KB) Voir la fiche du document

Vous trouverez en pièce jointe notre communiqué de presse de ce jourAttaques contre la justice financière : où sont passés le garde des Sceaux et le président de la République ?, en réponse aux souillures que doit encaisser l’institution judiciaire depuis la condamnation de Nicolas Sarkozy, de Gilbert Azibert et de Thierry Herzog. 

Attaques contre la justice financière : où sont passés le garde des Sceaux et le président de la République ? (141.28 KB) Voir la fiche du document

Un ministre de la Justice a-t-il le droit d’intervenir dans un dossier le concernant ?
Plus précisément : un ministre de la Justice, garde des Sceaux, ancien avocat, peut-il solliciter des procédures pré-disciplinaires à l’encontre de magistrats ayant eu à connaître de dossiers le concernant ou concernant ses anciens clients ?
Nous pensons que non.
La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) pense que non : elle a demandé l’interdiction pour le ministre de la Justice de connaître des procédures concernant le comportement des magistrats dans les affaires impliquant ses anciens clients ou lui-même.
Mais Eric Dupond-Moretti a une opinion différente : il s’agit d’un « pseudo conflit d’intérêt ».
Le Président de la République, garant de l’indépendance de la Justice, n’y voit rien à redire.
Le Premier ministre ne souhaite pas nous recevoir pour évoquer ces questions.

Il a pourtant publié un décret, le 23 octobre 2020, dont il résulte que ces faits sont constitutifs de « conflits d’intérêts ». Mais ce décret est incomplet et tardif. Et Eric Dupond-Moretti continue à ne pas voir de problème.

Devant le blocage institutionnel auquel l’Institution judiciaire fait face, et l’absence de suites données à nos multiples démarches, nous déposons plainte contre le ministre de la Justice devant la Cour de Justice de la République pour prise illégale d’intérêts. L’existence d’un conflit d’intérêts ne signifie pas forcément qu’une infraction pénale de prise illégale d’intérêts a été commise.

La définition de l’infraction en droit pénal ne recouvre pas totalement la définition légale du conflit d’intérêts. En l’occurrence, seule la Cour de Justice de la République pourra dire si cette infraction est, ou non, caractérisée.

C’est une décision grave. Elle répond à la gravité des faits. Eric Dupond-Moretti, en tant qu’avocat, a voulu faire punir des magistrats s’étant occupés de dossiers concernant un de ses clients (affaire Levrault) ou le concernant lui-même et ses proches (affaire du PNF). Eric Dupond-Moretti, en tant que ministre, a exercé ses prérogatives pour mettre en mouvement ou poursuivre ces actions punitives.

Par cette plainte, nous cherchons d’abord à obtenir le respect de la loi. L’interdiction absolue du conflit d’intérêts pour un ministre de la Justice ne se négocie pas. Il s’agit en outre d’un enjeu de démocratie. Le Ministre de la justice soutient avoir agi en toute légalité. D’autres ministres pourraient, dans le futur, s’appuyer sur ces précédents pour instrumentaliser la justice dans leur propre intérêt.

Eric Dupond-Moretti a déclaré à maintes reprises que les magistrats, n’étant pas au-dessus des lois, devaient rendre des comptes. Nous sommes d’accord avec ce principe et l’avons toujours accepté. Mais il vaut aussi pour les ministres, qui, n’étant pas au-dessus des lois, doivent eux-aussi rendre des comptes.

Il appartiendra à la Cour de justice de la République de dire si les actes d’Eric Dupond-Moretti comme ministre de la Justice constituent une infraction pénale.

Notre vidéo explicative sur les conflit d'intérêts du ministre

 
Vous trouverez ci-joint notre communiqué de presse commun avec l'USM, notre chronologie des faits et le document "paroles de ministre". 

Chronologie d'un déni (79.44 KB) Voir la fiche du document

Paroles d'un ministre (101.5 KB) Voir la fiche du document