Un Juge des libertés et de la détention (JLD) de Créteil fait l'objet depuis plusieurs mois d'attaques médiatiques virulentes et réitérées à raison de ses décisions juridictionnelles. Désigné sous le sobriquet de "Libérator", ce magistrat a fait l'objet ces derniers mois de trois articles dans la presse écrite (en octobre 2009 dans "Le Parisien", le 19 février 2010 dans "Le Parisien" et le 20 février 2010 dans "Libération") ainsi que d'une chronique de radio (sur RTL le 3 juin 2010). En particulier dans cette chronique, notre collègue est stigmatisé comme empêchant la police de travailler pour avoir remis en liberté des mis en cause dans une affaire de trafic de stupéfiants.

Le Syndicat de la Magistrature n'a jamais contesté que des journalistes puissent être amenés, à partir de décisions de justice, à soulever des interrogations ou poser les termes d'un débat public. De même est-il compréhensible que des analyses ou des commentaires soient produits à ces occasions – fussent-ils dérangeants pour l'institution judiciaire. Mais en l'occurrence, les articles incriminés reposent sur une méthode qui n'est pas acceptable.

D'une part, le collègue incriminé est d'emblée disqualifié par le surnom ridicule dont il est affublé et qui est repris de manière systématique par les auteurs des articles précités.

D'autre part, les journalistes n'ont, comme le laissent apparaître la lecture ou l'audition des articles et chronique visés, assisté à aucune des audiences présidées par le juge des libertés et de la détention. Ces audiences sont pourtant publiques de droit et donnent lieu à un débat contradictoire qui constitue le seul observatoire crédible des arguments concrets échangés de part et d'autre en faveur du placement en détention provisoire : il doit en effet être rappelé qu'aux termes de l'article 137 du code de procédure pénale la détention provisoire ne peut être décidée qu'à titre exceptionnel ; de ce fait, contrairement à ce qui semble se dégager de la lecture des articles précités, la simple énonciation de la gravité des infractions reprochées ne saurait suffire à légitimer d'emblée le placement en détention provisoire.

Dans ces conditions, la section locale du Syndicat de la magistrature proteste contre ce qui se révèle être, en l'absence de tout travail journalistique sérieux, un véritable acharnement médiatique : l'accumulation des articles précités fait peser sur le magistrat concerné une suspicion insupportable au mépris du principe d'indépendance dans l'activité juridictionnelle.

La section du Syndicat de la magistrature de Créteil apporte son entier soutien au juge des libertés et de la détention concerné et demande solennellement à la hiérarchie judiciaire de réagir également en ce sens, au nom du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, pour que cessent ces attaques iniques.

Pour la section locale du Syndicat de la magistrature de Créteil
le délégué, Jean-Claude BOUVIER