La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu le 22 juin 2010 son arrêt répondant à la question préjudicielle que la Cour de cassation lui avait adressée le 16 avril dernier. Cette question portait principalement sur la conformité au droit de l'Union européenne (UE) de la procédure de contrôle de la constitutionnalité des lois que les justiciables peuvent désormais demander aux juges de mettre en œuvre.

En donnant un caractère « prioritaire » à ce contrôle de constitutionnalité, la nouvelle loi organique du 10 décembre 2009 empêchait en effet les juges d’examiner d’abord la conformité de la loi aux engagements internationaux de la France – et notamment à ses engagements européens – lorsque cette question leur était également et parallèlement posée, les contraignant à ne traiter, dans un premier temps au moins, que la question du contrôle de constitutionnalité.

C’est pourquoi de nombreux juristes avaient souligné que la priorité ainsi donnée au contrôle de constitutionnalité créait une difficulté au regard de la jurisprudence de la CJUE : cette dernière avait en effet posé pour principe que le juge national doit, de sa propre autorité, laisser inappliquée une loi nationale contraire au droit communautaire et ce, sans attendre son élimination par les procédures prévues par le droit interne, quelles qu'elles soient.

En réponse à la question, la Cour de Luxembourg décide donc que le contrôle de constitutionnalité n’est acceptable que si les juridictions nationales renoncent à lui reconnaître le caractère prioritaire que la loi organique avait pourtant voulu imposer : c’est dire que le juge judiciaire conserve le plein exercice de son pouvoir de contrôler la conformité d’une loi aux engagements internationaux de la France et ce, sans que ce pouvoir soit limité ou retardé par le contrôle de constitutionnalité ou inféodé à ce dernier.

Le Syndicat de la magistrature se réjouit de cette confirmation éclatante de la suprématie des conventions internationales et de la faculté reconnue aux juges de les faire prévaloir sur toute autre norme interne.

Il s’en réjouit d’autant plus que la décision du 16 avril dernier, par laquelle la Cour de cassation avait interrogé la CJUE, avait donné lieu à une salve de critiques outrancières qui tendaient à présenter son initiative comme une aberration, les questions posées par elle comme ineptes et l’exercice normal du droit de saisir la CJUE d’une question préjudicielle comme l’expression d’une résistance inadmissible à la volonté du législateur.

Il s’avère aujourd’hui que la question était non seulement pertinente mais encore fondée et que la CJUE a apporté un désaveu cinglant à ceux qui tentaient de faire pression sur l’institution judiciaire pour qu’elle rentre dans le rang en renonçant à l’une de ses mission essentielles : les chiens aboient, la caravane passe...