Communiqué du Syndicat de la magistrature en réaction à l'arrêt de la CEDH du 27 juin 2013 rappelant une nouvelle fois que le parquet français, en raison de son statut, ne présente pas la garantie d'indépendance vis à vis de l'exécutif qui caractérise, comme l'impartialité, une autorité judiciaire au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme

La France condamnée par la CEDH … à une réforme constitutionnelle !


Que n’a-t-on entendu de certains parlementaires sur le projet de réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour justifier - ou du moins tenter de le faire … - un vote négatif lors du congrès censé se réunir prochainement:

« On accouche d’une souris » indiquait un député de l’UDI, estimant qu’on aurait « uniquement l’ajout d’un magistrat au sein du CSM ». Ou alors encore mieux du côté de l’UMP où on a indiqué être opposé au texte pour des raisons politiques car on ne voyait « pas l’intérêt de mobiliser aujourd’hui tout le monde sur un congrès pour modifier la composition du CSM »



Aurait-on « oublié » - avec plus ou moins de bonne foi… - que cette réforme ne porte pas que sur la composition du CSM mais aussi – et c’est fondamental ! – sur le statut du parquet ? Parquet qui en raison de ses conditions de nomination et de son lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif est sans cesse soupçonné de partialité et sur lequel la trop grande influence du gouvernement a été par le passé cause de bien des dérives..

Aurait-on oublié que la CEDH, dans plusieurs décisions récentes, dont les arrêts Medvedyev ou Moulin, avait rappelé aux autorités françaises que les magistrats du parquet ne présentaient pas les garanties d’indépendance leur permettant d’être considérés comme des autorités judiciaires au sens de la Convention ?

Le nouvel arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 27 juin 2013, Vassis et autres contre France, devrait – espérons le ! – faire sortir ces parlementaires de leur amnésie … La Cour y rappelle en effet de nouveau que le parquet français ne peut être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention, justement en raison de ce lien hiérarchique tenant notamment à ses conditions de nomination, et qu’il ne peut dès lors être chargé de contrôler et prolonger une mesure privative de liberté.

Cette nouvelle condamnation de la France vient à point nommé pour rappeler l’urgence de cette réforme constitutionnelle. Il ne s’agit pas, comme certains aimeraient le faire croire, de modifier à la marge la composition du CSM, mais bien de conférer au ministère public les garanties statutaires lui permettant d’exercer ses missions avec toute l’indépendance nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie.

Le Syndicat de la magistrature, comme il ne cesse de le faire depuis plusieurs années, revendique avec force le vote d’une telle réforme du CSM qui mette – enfin ! - à l’abri les magistrats du parquet de toute influence du pouvoir politique. C’est pour cela qu’il réclame que la nomination des magistrats du parquet intervienne sur proposition du CSM et non plus sur celle du pouvoir exécutif qui, à défaut, garde la main sur leur carrière. À tout le moins, si les parlementaires n’étaient pas animés de la même forte ambition, la survie du modèle judiciaire français impose que la nomination des parquetiers soit soumise à l’avis conforme du CSM et que ce denier se voit confier un pouvoir de proposition pour la haute hiérarchie parquetière.

C’est tout l’enjeu de la réunion du Congrès et du vote de cette réforme. Ne pas le mesurer serait avouer qu’il n’existe pas de réelle volonté politique d’améliorer l’indépendance de la justice. Ce serait un triste constat.