Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature suite au dépôt du rapport de la commission de "modernisation de l'action publique" présidée par Jean-Louis Nadal

Commission sur le parquet : un rapport en demi-teinte
La commission de « modernisation de l’action publique », présidée par Jean-Louis Nadal, vient de déposer son rapport intitulé « Refonder le ministère public », vaste programme !
Vaste programme car les attentes de « refondation » sont immenses, à l’image du malaise ressenti par un ministère public que la CEDH ne considère pas comme une autorité judiciaire, et dont les membres travaillent le plus souvent dans des conditions particulièrement pénibles, sans que la moindre autonomie ne leur soit reconnue, au nom d’une conception dévoyée de la hiérarchie et du principe de loyauté.
Vaste programme donc, mais le résultat est malheureusement décevant.
Si la commission s’est posée les bonnes questions, notamment en se démarquant de sa lettre de mission qui n’évoquait pas – de façon pour le moins surprenante – la question pourtant fondamentale du statut des magistrats du parquet, les réponses apportées sont trop souvent en demi-teinte.
Des avancées indéniables doivent certes être soulignées, s’agissant notamment des conditions de nomination des parquetiers – que la commission suggère d’aligner strictement sur celles de magistrats du siège -, de l’amélioration de leur régime disciplinaire, du renforcement du contradictoire lors des enquêtes, ou de la suppression du « taux de réponse pénale » comme indicateur de « performance » de l’activité des parquets.
Mais la commission, dont « l’audace » a visiblement trouvé rapidement ses limites, n’est pas allée jusqu’à supprimer la possibilité pour le ministre de muter d’office un parquetier ou de recevoir des rapports sur les affaires individuelles. Elle y a certes apporté quelques garanties et restrictions, mais les symboles de la dépendance au pouvoir exécutif demeurent.
Elle n’est pas allée non plus jusqu’à permettre aux magistrats du ministère public d’exercer pleinement, et en toute autonomie, les fonctions qui leur sont confiées par la loi.
Ainsi, les substituts continueront à ne pouvoir faire que ce qui aura été autorisé par leur hiérarchie et à être dessaisis des dossiers dans lesquels la décision annoncée n’aura pas plu à leur procureur, le tout au nom d’intérêts qui, par le passé, se sont révélés assez éloignés de l’intérêt général… Car, si la commission a fini par admettre – comme le Syndicat de la magistrature le rappelle depuis longtemps – que les substituts ne sont pas de simples « délégués du procureur », c’est pour ajouter immédiatement qu’en raison du principe hiérarchique, ils resteront tenus «d’informer » leur procureur des décisions qu’ils veulent prendre dans certains cas déterminés par ce même procureur. Curieuse conception de l’autonomie de ces magistrats qui ne pourrait s’exercer que pour quelques décisions dont on imagine sans mal qu’elles ne seront pas nombreuses…
En l’absence de toute proposition ambitieuse sur la dépénalisation de certaines infractions, la commission s’étant limitée à évoquer la transformation en contraventions de quelques délits routiers, les parquetiers continueront à être submergés par un contentieux pénal menaçant de paralysie notre système judiciaire.
Ils continueront de même à n’avoir qu’une autonomie très relative dans la conduite des enquêtes puisque la police judiciaire restera sous la coupe du ministère de l’intérieur, le principe de son rattachement à l’autorité judiciaire n’ayant pas été retenu.
La commission a en revanche retrouvé toute son audace pour présenter comme une , la commission organise la mutualisation des moyens pour une meilleure gestion de la pénurie. C’est ainsi que non content de ne pas voir son autonomie renforcée, le substitut pourra en outre être déplacé de site judiciaire en site judiciaire, au sein du département, au gré des vacances de postes. Beau progrès !
Ce rapport sera discuté dans le cadre de la réforme annoncée de l’organisation judiciaire. Le Syndicat de la magistrature participera activement à ce débat pour que ce texte ne serve pas d’habillage à une dégradation du service public de la justice et, surtout, qu’il soit l’occasion de relancer l’indispensable réforme du statut du parquet. Si le gouvernement et les parlementaires restent sourds à cet énième appel, c’est qu’ils n’auront vraiment pas voulu entendre.