Communiqué commun SM/SAF/SNPES-PJJ-FSU/CGT-PJJ/AFMJF

Alors que le parlement vient à peine de voter la loi du 5 août 2011 bouleversant le droit pénal des mineurs, le député Ciotti, saisi par l’urgence d’une nouvelle réforme, a déposé une proposition de loi instaurant « un service citoyen pour les mineurs délinquants » au prétexte qu’il « n’existerait pas suffisamment d’alternatives entre la prison et la rue ». Cette proposition adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, malgré un vote de rejet au Sénat, vient d’être définitivement votée par l’Assemblée Nationale le 16 novembre.

Contrairement à l’illusion délibérément créée par le titre, il ne s’agit nullement d’envoyer des mineurs effectuer un service citoyen consacré à des tâches d’intérêt général, mais de prévoir l’accueil de certains jeunes dans des établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) financés à l’heure actuelle par les ministères de la Défense, de l’Emploi et de la Ville et offrant des formations à des jeunes majeurs volontaires.

Ce résultat pourrait être obtenu par des décisions administratives et des conventions d’habilitation sans vote d’une nouvelle loi ; par ailleurs, au vu du projet de loi de finances de 2012 mobilisant tous les moyens budgétaires au profit de la création de Centres Educatifs Fermés supplémentaires et supprimant un certain nombre de postes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, il est particulièrement scandaleux de créer un nouveau dispositif qui, au prétexte d’insertion des adolescents nécessitera de nouveaux financements alors que les services d’insertion sociale et professionnelle de la PJJ ont été quasiment démantelés.

Qu’importe, il s’agit de faire croire à nos concitoyens en l’institution d’une nouvelle mesure conduisant des jeunes impliqués dans une procédure pénale à se rendre utiles sous le contrôle de l’armée (comme si depuis des années les services de la justice des mineurs n’organisaient pas et ne suivaient pas déjà des mesures de réparation et de travail d’intérêt général au profit des collectivités locales et des associations).

C’est aussi une véritable disqualification des professionnels, en charge de ces jeunes, jugés incapables de leur apporter un cadre de fermeté au point de devoir, soi-disant, faire appel à l’armée.

Comme si cette tromperie ne suffisait pas, le gouvernement a profité de ce texte voté en première lecture pour y glisser en catimini des amendements n’ayant aucun rapport avec le service citoyen.

Outre des dispositions techniques instituant la mutualisation des tribunaux pour enfants qui auraient nécessité réflexion et concertation avec les professionnels, le gouvernement revient à la charge sur une disposition déjà sanctionnée par le Conseil Constitutionnel et s’entête à vouloir mettre en place une procédure de jugement rapide analogue à celle des comparutions immédiates pour les majeurs.

En effet, l’article 6 de la proposition Ciotti prévoit que dans le cadre de la procédure de présentation immédiate devant le tribunal correctionnel des mineurs institué par la loi du 5 août 2011 le procureur pourra demander au juge des enfants de renvoyer le mineur devant ce tribunal en jugement dans un délai compris entre dix jours et un mois.

Peu importe que le Conseil Constitutionnel ait refusé de valider cet été une procédure analogue et ait jugé que le tribunal correctionnel des mineurs n’étant pas une juridiction spécialisée, il fallait au moins le saisir selon des « procédures susceptibles de faciliter le relèvement des mineurs », le gouvernement récidive en dissimulant ses manœuvres dans une proposition de loi tombant à point nommé…

Les organisations signataires dénoncent cette nouvelle utilisation de la délinquance des mineurs dans une logique politicienne de communication et d’affichage par la pseudo- création d’un service citoyen qui n’en est pas un.

Elles s’opposent à ce nouvel alignement de la justice des mineurs (déjà gravement mise à mal par la loi du 5 août 2011) sur la justice des majeurs par l’institution de procédures expéditives devant des juridictions de moins en moins spécialisées.

Elles refusent que nos enfants soient jugés comme des adultes, au mépris du droit international, du droit constitutionnel et de l’intérêt même de notre société, la jeunesse étant une richesse et non un fardeau.