En 2016, le gouvernement annonçait la construction de 10 000 nouvelles places de prison pour l’horizon 2024 alors que, au mépris du principe de l’encellulement individuel et de la dignité des personnes, près de 15 000 personnes étaient en surnombre et une quarantaine de maisons d’arrêt connaissaient un taux d’occupation de plus de 150%.
Au 1er avril 2024, le constat est sans appel : 73 080 personnes sont détenues pour 60 899 places opérationnelles soit une densité carcérale globale est de 120 %, contre 117 % il y a un an et 118 % le 1er mars, certaines maisons d’arrêt dépassant les 200 % de suroccupation.
La construction de prison est donc une vieille recette qui a déjà fait la preuve de son inefficacité et que les gouvernements successifs continuent pourtant de servir comme la seule solution pragmatique et ce en dépit des résultats de nombreuses études et statistiques qui la pointent au contraire comme inopérante, que ce soit pour endiguer la surpopulation carcérale ou pour réduire la récidive.
Ainsi depuis 25 ans, près de 30 000 places de prison ont été construites, un effort immobilier inédit entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire. Sans effet cependant sur la surpopulation car dans le même temps, le pays a emprisonné toujours plus et de plus en plus longtemps, sous le coup de politiques pénales essentiellement répressives1.
En France comme ailleurs, la courbe du nombre de personnes détenues n’est pas tant liée à celle de la délinquance qu’aux choix de politiques pénales de l’exécutif. Des politiques qui se sont concrétisées dans notre pays par l’allongement de la durée moyenne de détention et par une incarcération massive pour des petits délits.
La loi de programmation Justice 2018 comportait également des dispositions visant à accélérer la construction de places de prison et prévoyait la création de 20 nouveaux centres fermés pour enfants et adolescents.
Or, plus on crée de places d’enfermement, plus on enferme et ces lieux de relégation sont criminogènes et ne favorise pas la réinsertion. La prison aggrave l’ensemble des facteurs de délinquance en fragilisant les liens familiaux, sociaux ou professionnels, favorise les fréquentations criminogènes, et n’offre qu’une prise en charge lacunaire – voire inexistante – face aux nombreuses problématiques rencontrées par la population carcérale en matière d’addiction, de troubles psychiatriques, d’éducation, de logement, d’emploi, etc.
Tandis que les moyens manquent cruellement aux personnels et aux structures qui assurent l’accompagnement socio-éducatif et l’hébergement des sortants de prisons et personnes condamnées en milieu ouvert, le gouvernement engloutit des milliards d’euros dans l’accroissement et la sécurisation du parc pénitentiaire.
Pour lutter efficacement contre l’inflation de la population pénale et carcérale, nous rappelons que c’est d’une politique pénale humaniste, ambitieuse et audacieuse, visant à investir massivement dans la prévention, l’accompagnement et le suivi en milieu ouvert, dont notre société a besoin et que nous développerons ci-après.
1En onze ans, 3 600 infractions pénales nouvelles, de la contravention de première classe au crime, ont été ajoutées à l’arsenal existant, représentant une hausse de 31 %, selon la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice. 120 infractions ont été créées ou durcies durant la législature 2017-2022.
Nos observations détaillées ici : Observations du Syndicat de la magistrature dans le cadre du contrôle budgétaire par la commission des finances le 23 mai 2023 et de la création de 15000 places de détention supplémentaires (183.8 KB) Voir la fiche du document