Si le résultat des élections européennes et la décision du chef de l'Etat de convoquer des élections législatives doivent nous conduire à la plus grande prudence quant à l’ensemble des engagements du gouvernement, cette semaine du 10 juin doit notamment être consacrée à des négociations entre l'intersyndicale de l'administration pénitentiaire et le garde des Sceaux sur la question des extractions judiciaires et de la visioconférence en détention.
A la suite de l’attaque meurtrière d’Incarville, le garde des Sceaux avait effectivement reçu l’intersyndicale des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire qui ont fait valoir un certain nombre de revendications. Pour y répondre, celui-ci a fait le choix d’acter ses engagements dans un relevé de décisions. S’y trouvent notamment les projets d’étendre le recours à la visioconférence ainsi que les déplacements des juges d’instruction dans les lieux de détention des mis en examen pour procéder à leurs interrogatoires.
Ni les organisations syndicales, ni les associations professionnelles de magistrats n’ayant été invitées à participer à la négociation initiée, le Syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des magistrats et l’Association française des magistrats instructeurs ont fait entendre une voix commune pour exprimer leurs vives réserves sur les mesures annoncées : [communiqué de presse]. Elles ont sollicité d’être consultées sur ces sujets très engageants pour les services judiciaires.
Le SM, l’USM, UM et l’AFMI ont été reçus lundi 3 juin par le garde des Sceaux, en présence de son cabinet. Nous avons demandé à être associés à la poursuite de la négociation avec les organisations syndicales de l’administration pénitentiaire, ce que le ministre a catégoriquement refusé, sans véritablement s’en expliquer. Il a exprimé le souhait que l’institution judiciaire se montre ouverte aux revendications de l’intersyndicale des agents pénitentiaires en dégageant des « marges de manœuvre » pour éviter certaines extractions.
Nous avons fait part de notre souhait de dialoguer sur de bonnes pratiques communes avec l’administration pénitentiaire, tout en évoquant nos inquiétudes, notamment quant à la généralisation de la visioconférence pour des personnes « profilées », en insistant sur la nécessité de maintenir des conditions permettant de créer du lien avec les justiciables, à la fois pour garantir la qualité du processus juridictionnel, l’efficacité des enquêtes et le respect des droits de la défense.
Nous avons également pointé l’absence de temps susceptible d’être dégagé par les juges d’instruction, en l’état actuel de la charge des cabinets, pour se rendre sur les lieux de détention des mis en examen. Nous avons en outre souligné les difficultés persistantes des juridictions du fait des « impossibilités de faire » en matière d’extraction, le manque de moyens de l’ARPEJ, ainsi que les possibilités limitées d’utilisation du matériel de visioconférence, rendant inapplicable toute réforme législative sur ce terrain.
Enfin, parmi les engagements obtenus par l’intersyndicale des personnels de surveillance, l’un concerne la lutte contre la surpopulation carcérale qualifiée dans le protocole d’« enjeu majeur et complexe ». Nous n’avons pas manqué de rappeler que le premier problème des prisons, dont émanent tous les autres, est celui de la surpopulation carcérale. Comme le répètent depuis des années les organisations syndicales pénitentiaires, l’impossibilité pour l’administration pénitentiaire d’assumer l’ensemble des extractions judiciaires et médicales qui lui incombent dans des conditions de sécurité adaptées est avant tout une impossibilité matérielle de faire.
Notre organisation syndicale ne saurait accepter de formuler des propositions affectant la qualité de la justice d’une part, sans concertation préalable et, d’autre part, alors que le ministère de la Justice refuse de s’attaquer au problème de la hausse ininterrompue depuis des mois, du nombre de personnes détenues. En réponse à ces interpellations, le ministre de la Justice a annoncé une grande concertation sur la question de la surpopulation carcérale. Si le principe d’une grande concertation sur le sujet apparaît séduisant pour dégager des solutions – le Syndicat de la magistrature étant volontaire pour y participer – la question de la surpopulation carcérale nécessite aujourd’hui surtout des actions.
En réponse à la sollicitation du garde des Sceaux lors de notre échange, nous lui avons adressé, ce jeudi 6 juin, une note faisant état de notre position sur ces pratiques et les limites devant impérativement venir circonscrire les modalités d’extension du recours à la visioconférence et au déplacement des magistrats en détention. Vous la trouverez ci-dessous.