Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature

Le président de la République feint de découvrir aujourd’hui l’échec cuisant de la réforme constitutionnelle. Il en profite subrepticement pour jeter le bébé - l’indépendance de la justice – avec l’eau saumâtre du bain sécuritaire : l’état d’urgence et la déchéance de nationalité.
A grand renfort de communication, le président de la République annonce la fin du processus constitutionnel. Sa posture victimaire ne trompera personne : l’échec était inévitable tant le projet constitutionnel dit de protection de la nation portait atteinte à nos principes démocratiques.
La déchéance de nationalité, jadis obsession de la droite décomplexée, était une réponse honteuse aux dramatiques attentats de novembre 2015. Révélant les failles idéologiques d’une partie de la représentation nationale, prompte à jongler avec la nationalité et l’apatridie, cette mesure inefficace et stigmatisante n’a pas résisté à une opposition déterminée.
La constitutionnalisation de l’état d’urgence, combattue ardemment par citoyens, militants et juristes, en a heureusement fait les frais. Le gouvernement est freiné dans sa fuite en avant sécuritaire : l’enracinement de cet état d’exception dans notre constitution aurait porté un coup supplémentaire à l’Etat de droit.
Le retrait est salutaire mais ne doit pas faire illusion : il ne signe pas la fin de l’érosion des libertés, qui se joue en catimini dans les débats parlementaires expédiés sur le projet de loi Urvoas « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », qui introduit dans le droit commun
assignations à résidence et retenues administratives directement inspirées de l’état d’urgence.
Du même coup, le président de la République semble enterrer la réforme constitutionnelle relative à l’indépendance de l’autorité judiciaire. Ce gouvernement qui marginalise le juge judiciaire dans l’état d’urgence et dans le projet de loi Urvoas capitule sur une réforme essentielle à la démocratie. Il abandonne ainsi jusqu’au plus petit dénominateur de l’indépendance judiciaire, consistant à soumettre la désignation des magistrats du parquet à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La responsabilité de cet échec repose tout autant sur la crispation d’une droite qui n’a jamais voulu de l’indépendance de la justice que sur les tergiversations coupables d’un gouvernement trop occupé à afficher de vaines démonstrations de force.