Communiqué de l'observatoire de l'enfermement des étrangers, dont le Syndicat de la magistrature est membre

Sur le site de l’Agence du service civique on peut trouver une annonce de la Croix-Rouge française proposantde recruter des animateurs pour la salle de jeux des enfants de la zone d’attente de Roissy, ce lieu où, arrivant en France, des personnes peuvent être enfermées plusieurs semaines en attendant que l’administration ait statué sur leur sort. Ces animateurs auront pour tâche de rendre cette salle de jeux « conviviale et chaleureuse » et d’apporter aux mineurs « un moment de répit et de bien-être, d'identifier leurs besoins et d'y répondre si possible ». 

Ainsi donc les zones d’attentes seraient devenues des haltes-garderies, sorte de centres de loisirs au milieu des grilles, des angoisses et du stress. Va-t-on par la suite, dans un même objectif de banalisation de l’enfermement, proposer de généraliser cette initiative aux centres de rétention, où sont détenues des personnes en attendant d’être expulsées ? 

Tous les animateurs du monde ne pourront masquer la violence de l’enfermement de familles et d’enfants ; ces ludiques fiches de poste ne seront rien d’autre qu’une caution apportée à des pratiques qu’il est urgent de faire disparaître.

Ce type d’annonce détourne de surcroît la mission du service civique. Intervenir dans un tel lieu auprès de personnes en attente de leur éloignement est un exercice pour le moins difficile et éprouvant. Or la Croix-Rouge entend y faire travailler des mineurs ou de jeunes adultes peu qualifiés et/ou sans expérience professionnelle. Rappelons qu’un service civique repose sur l’engagement de 6 à 12 mois pour des jeunes de 16 à 25 ans, le tout encadré par une charte qui repose sur des valeurs d’universalité, de solidarité, de diversité ou encore d’ouverture sur le monde.  Des valeurs qu’ils auront du mal à trouver dans les zones d’attente !

L’enfermement d’enfants en zone d’attente s’est banalisé ces dernières années. Il y a quelques jours Libération publiait une tribune « Fermons les zones d’attente » signée par une centaine de personnalités et associations. Pour décrire l’inhumanité de ces lieux le texte rappelle que les personnes qui y sont maintenuessont susceptibles de ne pas pouvoir se soigner, de ne pas manger à leur faim, de dormir dans des locaux insalubres ou aux conditions d’hygiène dégradées, d’être privées d’informations sur leurs droits et d’être renvoyées sans avoir vu un juge, sans compter les cas de violences physiques et psychologiques. Il évoque les souffrances post-traumatiques qui en résultent, dont les enfants sont particulièrement victimes. Car, malgré les recommandations de très nombreuses organisations nationales et internationales qui condamnent cette pratique, la France persiste à enfermer des mineurs, seuls ou accompagnés, dans les zones d’attente.

Nous espérons que la Croix-Rouge française renoncera à ces services civiques et nous demandons à l’Agence française du service civique de supprimer immédiatement de son site de telles annonces : non seulement ellesdévoient un dispositif pensé pour donner aux jeunes une première expérience professionnelle enrichissante faite de solidarité et d’ouverture à l’autre, mais elles légitiment l’enfermement des enfants.

CP enfermement enfants ZA (149.88 KB) Voir la fiche du document



Communiqué de presse commun avec le Syndicat des avocats de France, le Gisti, l'Association de défense des droits des étrangers, La Cimade et la Ligue des droits de l'homme.

Les propos d’Emmanuel Macron appelant à « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » après la chute de Kaboul entre les mains des Talibans sont indignes de la tradition française de l’accueil et de l’asile.

Indigne comme l’abandon des Afghanes et Afghans qui ont servi comme personnel civil de l’armée française de 2001 à 2014, accueillis au compte-gouttes par la France malgré les déclarations et promesses de François Hollande et d’Emmanuel Macron et à qui la France refusait encore il y a quelques semaines la délivrance de visas malgré leurs cris d’alerte. Indigne comme les atermoiements pendant des années pour accorder des visas aux milliers de membres de familles des Afghanes et Afghans à qui la France a accordé la protection. Indigne comme le harcèlement par la police dont sont victimes les exilé·es afghan·es dans les rues de nos villes. Indigne comme les campements de la honte régulièrement détruits par les forces de l’ordre. Indigne comme les renvois forcés de plus de 6000 Afghans par la France entre 2004 et 2020.

Angela Merkel a annoncé le rapatriement de 10 000 Afghanes et Afghans, ne se limitant pas au personnel ayant travaillé pour les autorités allemandes en Afghanistan. Le Royaume-Uni a annoncé qu’il n’exigerait pas de passeport pour permettre aux demandeurs d’asile afghans de rejoindre le sol britannique. Deux avions militaires sont la seule mesure annoncée par la France. L’insuffisance des moyens que le gouvernement français entend déployer est insupportable, tout comme l’annonce de la fermeture des frontières européennes aux exilé·es afghan·es et la sous-traitance de l’asile aux pays limitrophes.

Nous, juristes, défenseurs des droits fondamentaux et des libertés, membres de la société civile, rappelons l’obligation du respect absolu et inconditionnel de la Convention de Genève sur l’asile et des textes de l’Union européenne de protection des populations persécutées. Le personnel civil ayant travaillé pour les autorités françaises et les magistrat·es et avocat·es afghan·es ne sont pas les seul·es que le France doit rapatrier. Contrairement à ce qui a été jugé il y a quelques mois par la Cour nationale du droit d’asile, il y a pour chaque Afghan ou Afghane un risque réel de menace grave contre sa vie et sa personne : il est impératif et urgent de renoncer aux décisions indignes aboutissant à l’expulsion de milliers d’Afghans.

Nous exigeons l’ouverture de voies légales afin que tou·tes les Afghanes et Afghans persécuté·es qui le sollicitent, ainsi que les familles de ceux qui sont déjà bénéficiaires de la protection internationale accordée par la France, puissent rejoindre rapidement le sol français directement depuis Kaboul. Nous exigeons l’arrêt des procédures issues du règlement Dublin, le retrait de toute mesure d’éloignement à l’encontre de demandeurs d’asile afghans et l’accord accéléré de la protection qu’ils doivent recevoir en France afin de leur permettre d’accéder à l’emploi et à un hébergement dignes. Le gouvernement d’Emmanuel Macron doit cesser de s’engager dans des politiques et discours empruntés à l’extrême droite. Sixième puissance économique mondiale, la France a les moyens d’accueillir les exilé·es d’Afghanistan. Surtout, nous en avons le devoir historique !

 

Le communiqué est téléchargeable ci-dessous, ainsi que la lettre adressée le 15 août 2021 à la Présidence de la République avec l'Union syndicale des magistrats concernant plus spécifiquement le sort des magistrates afghanes.

CP commun Afghanistan 17 août 21 (126.76 KB) Voir la fiche du document

Courrier PR magistrates afghanes (125.5 KB) Voir la fiche du document

 

 

Une tribune  à l’initiative de l’observatoire de l’enfermement et des étrangers dont le Syndicat de la magistrature est membre, a été publiée le 1er mai dans Le Journal du Dimanche, pour dénoncer le dévoiement des tests PCR, désormais utilisés à des fins de police administrative, en étant imposés aux étrangers dits en situation irrégulière pour permettre leur expulsion au risque, en cas de refus de s’y soumettre, de poursuites pénales dans certains ressorts.