Indépendance et service public de la justice

Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature du 12 juillet 2016 sur l'adoption de la nomination du juge des libertés et de la détention par décret dans le cadre de la réforme de la loi organique

Il aura fallu attendre plus d’une quinzaine d’années pour que le juge des libertés et de la détention se voie enfin doté d’une garantie d’indépendance qui lui faisait cruellement défaut. C’est tout l’enjeu de la modification de l’article 28-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 introduite par la loi organique relative, notamment, aux garanties statutaires des magistrats, adoptée hier soir et bientôt soumise au Conseil constitutionnel. A l’instar du juge d’instruction, du juge des enfants ou du juge d’application des peines, le JLD sera nommé dans ces fonctions particulièrement exposées par décret du président de la République et après avis conforme du conseil supérieur de la magistrature et non plus par la seule volonté du président du tribunal de grande instance. Il devient donc un magistrat spécialisé, avec la garantie que son affectation ne puisse être remise en cause par un chef de juridiction, parfois mu par des interventions extérieures, prenant ombrage de ses décisions.
Revendiquée par le Syndicat de la magistrature dès la création du JLD, cette spécialisation est un des préalables indispensables à un exercice véritablement indépendant de ses missions : contrôler les mesures les plus attentatoires aux libertés, tant dans les lieux d’enfermement (détention provisoire, rétention administrative et placement en zone d’attente, hospitalisations sous contrainte) qu’au cours des enquêtes pénales.
Les pratiques de ces quinze dernières années ont montré combien étaient fondées nos inquiétudes quant à la précarité du statut de ce magistrat. Tantôt alibi d’une procédure pénale dont les déséquilibres sont de plus en plus marqués, tantôt empêcheur d’enfermer en rond mis en cause pour son activité juridictionnelle, voire dessaisi de son service contre son gré, il a vu le champ de ses compétences s’accroître sans cesse tout en restant soumis aux pressions et au bon vouloir du chef de juridiction.
Si elle s’est fait attendre, c’est bien une avancée majeure qui est adoptée aujourd’hui par les parlementaires. Par son engagement sans faille, tant dans la défense concrète des collègues concernés en juridiction qu’au cours des débats parlementaires, le Syndicat de la magistrature y a œuvré et s’en félicite.
La nomination du juge des libertés et de la détention par décret est la première pierre d’un chantier qui doit se poursuivre : création de véritables cabinets de JLD, dotés des moyens adaptés pour fonctionner, introduction de la collégialité, fin des audiences « étrangers » délocalisées sur le tarmac restent autant d’objectifs à atteindre …