Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature à l'occasion des débats sur les récépissés de contrôle d'identité à l'Assemblée dans le cadre de la loi Egalité et citoyenneté

L’Assemblée nationale offre encore des surprises : celle de voir l’égalité suspendue au prix d’un carnet et d’un crayon. Au terme d’obscures tractations, elle préfère une vidéo à un stylo ! Retour sur un épisode peu glorieux de l’examen de la loi Egalité et citoyenneté, ou comment le gouvernement enterre, sans en avoir l’air, la lutte contre les contrôles d’identité discriminatoires.

Il avait préparé le terrain en niant la réalité des contrôles au faciès et en discréditant ceux qui les dénoncent. En mars à l’Assemblée, Bernard Cazeneuve qualifiait déjà le phénomène de « tout à fait marginal », les abus n’existant que dans l’esprit de « théoriciens patentés ».

Qu’importe donc que des analyses sociologiques viennent démontrer l’importance de la pratique discriminatoire des contrôles d’identité, hier dénoncée par le Parti socialiste. Le port du matricule, la plainte en ligne et la caméra piéton sont les horizons indépassables de l’action gouvernementale.

Croyant identifier dans l’objet du projet de loi Egalité et citoyenneté un appel à agir contre cette réalité insupportable pour nombre de citoyens, des esprits chagrins ont osé proposer un récépissé de contrôle. Rien de révolutionnaire, pas même la réduction de l’article 78-2 du code de procédure pénale à son premier alinéa, qui vise les seuls contrôles motivés par la recherche objectivable et individualisée d’une infraction. Non, simplement la reconnaissance du droit, pour les personnes contrôlées, à pouvoir en justifier, soit qu’ils fassent l’objet d’un nouveau contrôle, soit qu’ils veuillent agir en justice pour le contester.

C’était sans compter le coût des stylos et des carnets ! Le récépissé, nouvelle dépense en fournitures de bureau, grèverait le budget de l’Etat. Pour le sauver, l’amendement a été déclaré irrecevable. En d’autres domaines – au hasard, le fonctionnement de la Justice – le manque de moyens n’arrête pas la frénésie législative…

Tentant de contourner cette absurde fin de non-recevoir, des députés ont proposé une simple expérimentation du récépissé : c’en était déjà trop pour le gouvernement. Expérimentation il y aura, mais de l’enregistrement audiovisuel des contrôles d’identité par les agents équipés d’une caméra mobile. Sans même parler des caméras en panne, en quoi cette disposition permettra-elle à la personne contrôlée de bénéficier d’un droit au recours effectif ? Une nouvelle occasion manquée de se conformer aux exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme, sur lesquelles la cour d’appel de Paris s’est notamment fondée, le 24 juin 2015, pour condamner l’Etat, pour contrôles discriminatoires.

Parlementaires, pour l’égalité et la citoyenneté, à vos stylos !