Défense des libertés

Un référé pour mettre fin à l’impunité des forces de l’ordre

Depuis plusieurs années, nous avons constaté une hausse de la violence dans la stratégie du maintien de l’ordre en France lors des manifestations. A de nombreuses reprises, cette violence en vient à dépasser le cadre de la légalité mettant ainsi gravement en cause les droits fondamentaux.

Alors que ces cas se multiplient, les enquêtes censées pouvoir identifier l’agent ou l’agente en cause n’ont souvent pas la possibilité d’aboutir. Des modalités inadaptées de port du « RIO », le numéro référentiel des identités et de l’organisation que les policiers, policières et gendarmes doivent porter sur le terrain, entraînent l’impossibilité d’identifier des forces de l’ordre qui n’encourent alors pas de sanction. Ce lourd manquement donne lieu à une impunité injustifiable et dangereuse, contraire aux exigences posées par la CEDH.

Les témoignages, les images et les rapports abondent ces dernières semaines pour démontrer un manque de rigueur dans le port du « RIO ». Malgré le fait qu’il soit obligatoire depuis 2013, il est souvent peu visible voire masqué, et les agents et agentes sont parfois même cagoulés, ce que documentent notamment les observatoires des pratiques policières. Ce manquement participe à entretenir un sentiment d’impunité dans l’exercice d’une violence abusive et illégale, dont ont encore récemment fait preuve des membres des forces de l’ordre.

Cette situation est incompatible avec l’Etat de droit et abîme le rapport entre les citoyens et citoyennes et leur police.

Pour toutes ces raisons, nos organisations ont saisi en septembre le Conseil d'Etat pour y mettre un terme. Elles déposent aujourd’hui un référé-liberté pour que le juge puisse faire cesser immédiatement cette situation.

 

Communiqué de presse RIO - référé liberté (72.02 KB) Voir la fiche du document

Sainte-Soline : Déferlement de violences sur les défenseurs du vivant et de la paix

Du vendredi 24 mars au dimanche 25 mars, des mobilisations contre le projet des « mega- bassines » à Sainte-Soline ont réuni près de 30 000 manifestant.es.

Avant même le début des manifestations, le ministre de l’Intérieur annonçait « il n’y aura pas de ZAD à Sainte-Soline », désignant les mobilisations à venir comme des actions de « l’ultra gauche et de l’extrême gauche », reprenant des termes policiers pour désigner les militant.es écologistes, rappelant que « ce ne sont pas les forces du désordre qui vont l’emporter ».

Le déploiement démesuré des forces de l’ordre sur place est venu confirmer que le ministre de l’Intérieur ne visait pas simplement à sécuriser une manifestation mais bien à la réprimer, comme l’avait fait en son temps le Premier ministre Manuel Valls face aux manifestant.es qui défendaient la zone humide du Testet à Sivens.

Les observateurs et observatrices sur place indiquaient dans leur première synthèse, « dès l’arrivée des cortèges sur le site de la bassine, les gendarmes leur ont tiré dessus avec des armes relevant de matériels de guerre : tirs de grenades lacrymogènes, grenades assourdissantes, grenades explosives de type GM2L et GENL, y compris des tirs de LBD40. Nous avons observé des tirs au LBD40 depuis les quads en mouvement ».

Le bilan est sidérant : plus de 200 blessé.es graves, un jeune de 30 ans dans le coma atteint à la tête le samedi à 13 heures 30 et un deuxième manifestant touché à la trachée avec un pronostic vital engagé. Les observateurs et observatrices rapportent que les secours n’ont pas pu accéder à la zone et les blessé.es n’ont pu être évacué.es, les élu.es présent.es sur place essayant de protéger les blessé.es ont été gazé.es.

Le ministre de l’Intérieur a immédiatement fait le tour des plateaux de télévision pour annoncer la présence d’individus connus des services de renseignement et dénoncer la radicalité des participant.es afin de justifier les violences de la part des forces de l’ordre et favoriser une impunité généralisée, quitte à prétendre qu’aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre, à l’inverse de certains casseurs, faisant encore une fois l’amalgame entre manifestant et délinquant.

Aucune leçon n’a été tirée de la mort de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste tué par une grenade offensive OFF1 lancée en cloche dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre 2014 par un gendarme qui tenait un terrain vide.

Il n’est plus de doute désormais : la gestion du maintien de l’ordre en France tue, mutile et blesse gravement des centaines de manifestant.es.

Nos organisations demandent à ce qu’une commission d’enquête soit immédiatement ouverte pour faire toute la lumière sur ces événements, qu’un moratoire sur la construction des mega-bassines soit ordonné, que les manifestant.es ne soient pas inquiété.es par des poursuites pénales, que des informations judiciaires soient ouvertes et que les magistrat.es puissent faire leur travail en toute indépendance sur les circonstances qui ont donné lieu à ces violences.

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Le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », porté par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, a été présenté en Conseil des ministres le 1er février. Il devrait être examiné en première lecture au Sénat à partir du 28 mars. 

Dans ce cadre, nous avons été entendu·es à deux reprises, d’abord par la sénatrice Eliane Assassi (groupe CRCE), puis par le sénateur Guy Benarroche (groupe écologiste – solidarité et territoires) pour présenter nos observations. Nous avons également été sollicité·es par la commission des lois pour répondre à un questionnaire.

A ces occasions, nous avons dénoncé les dispositions qui conduisent à une nouvelle précarisation des personnes exilées. En effet, s’il prétend assurer une meilleure protection du droit des personnes, le projet de loi conduit au contraire à une négation radicale des droits fondamentaux des migrant·es, faisant de l’entrée et du séjour une infraction qui ne porte plus son nom. L’indigence de l’étude d’impact et notamment des motivations à légiférer pourrait presque prêter à sourire si les mesures en résultant n'étaient pas aussi graves : extension considérable du champ des expulsions, des peines d'interdiction du territoire français, des OQTF, facilitation de l'inscription au fichier des personnes recherchées, possible prise d'empreintes sans consentement ou encore élargissement des possibilités d’inspection visuelle par la police aux frontières à l’ensemble des véhicules des particuliers.

Cette précarisation du droit au séjour est d’autant plus révoltante qu’en parallèle, sous couvert de faciliter les régularisations des travailleurs étrangers exerçant des métiers dits « en tension » – en réalité des métiers précaires –, le gouvernement alimente l’idée d’une immigration jetable.

Par ailleurs, ce projet dégrade considérablement l’accès aux droits et au juge. De la généralisation de l’audience par visioconférence imposée au juge judiciaire au détriment des droits de la défense, à l’audience en juge unique dans le cadre du contentieux administratif dans un souci d’accélération et donc d’optimisation sans égard pour la délibération et la collégialité, le texte favorise l’enfermement des personnes étrangères (allongement à 48 heures du délai accordé au JLD pour statuer sur le maintien en zone d’attente, disposition spécifiquement conçue en réaction à l’actualité de l’Ocean Viking) et finalise une œuvre de déshumanisation de la justice l’étendant aux juridictions administratives jusque là préservées.

Plus globalement, nous dénonçons un projet de loi dont l’économie globale tend à rationaliser encore davantage les instances judiciaires et administratives pour répondre à une logique purement sécuritaire.

Observations PJL immigration (151.94 KB) Voir la fiche du document

PJL immigration - réponse au questionnaire commission des lois  (174.65 KB) Voir la fiche du document