Formation/recrutement des magistrats

Comment rendre attractif par la formation, ce qui est devenu répulsif dans les juridictions ? Voilà la question paradoxale à laquelle doit répondre le groupe de travail de l’ENM sur l’attractivité des fonctions civiles qui nous a récemment entendus.

Alors que l’Inspection générale de la justice (IGJ) a rendu un rapport en avril 2021 sur l’attractivité des fonctions civiles pour lequel nous avions fait des observations et que les Etats généraux de la justice ont mis en avant le « déclassement » de la justice civile, un groupe de travail sur l’attractivité des fonctions civiles, présidé par la professeure Fricero, a été lancé par l’ENM. Il a pour objectif de « favoriser l’émergence des magistrats civilistes de demain et réfléchir aux pistes de travail à engager » et porte essentiellement sur la formation initiale et la formation continue.

Nous avons été auditionné·es le 17 janvier 2023. Vous trouverez en pièce-jointe nos observations, qui ont été largement enrichies de contributions de nos adhérents.

Nous avons d’abord relevé que cet énième groupe de travail semblait superfétatoire au vu des conclusions de la mission de l’IGJ dont nous partageons les constats et dont les recommandations n’ont été suivies d’aucun effet. Nous avons également rappelé que si des améliorations peuvent bien sûr être apportées à la formations initiale et continue, la formation n’est susceptible de remédier qu’à la marge au manque d’attractivité des fonctions civiles.

Celui-ci est en effet davantage lié à la dévalorisation de cette fonction dans les juridictions (devenue variable d’ajustement au profit du pénal) et à la dégradation des conditions de travail (absence de collégialité, exigences de productivité incompatibles avec une justice de qualité, conditions matérielles inadaptées). Il est aussi la conséquence d’une gestion des carrières des juges civilistes par la DSJ et le CSM qui ne prend pas suffisamment en compte la spécificité de leurs fonctions et qui refuse de valoriser leur expertise.

Au-delà de ces constats, nous avons fait des propositions de modifications de la formation initiale et continue. Les magistrat·es civilistes aspirent à ce que l’ENM rompe avec l’image monolithique du juge civil (seul face à une masse de dossiers). Nous avons ainsi notamment insisté sur le fait que la formation initiale devait permettre à l’auditeur·trice de découvrir la diversité et la richesse des fonctions civiles pour pouvoir s’y projeter avec moins d’appréhensions.

A cet égard, si l’apprentissage de la méthodologie du jugement pendant la scolarité est indispensable, il est également important d’élargir les DE aux grandes fonctions civiles (au-delà de JCP et JAF) tels que les référés, le pôle social, le droit de la construction, le JEX, le CPH ou de thématiser certaines d’entre elles sur des contentieux spécifiques (droit de la construction, droit des contrats, responsabilité délictuelle...). De même, s’agissant du stage juridictionnel, il ne doit pas être limité à la rédaction de jugements et à la préparation de l’examen de sortie. Il doit être laissé le temps à l’auditeur de participer à la gestion du cabinet, aux audiences de mise en état, d’incidents, à des audiences dans des contentieux différents. Enfin, une réflexion autour de l’accompagnement à la prise de fonction, y compris en cour d’appel, et la formation de changement de fonction nous semble indispensable.

 

Nous espérons que les conclusions de ce rapport seront publiées dans un délai raisonnable. Pour mémoire, le rapport de l’IGJ avait été publié trois ans après sa remise au garde des Sceaux. Le temps d’oublier ses encombrantes conclusions et de lancer un nouveau groupe de travail.

  GT ENM : attractivité des fonctions civiles, nos observations (384.23 KB)