Enfermement/Peines

Deux ans après la condamnation de la France par la CEDH pour le caractère indigne et dégradant des conditions de détention dans ses établissements pénitentiaires, dont celui de Fresnes, et alors que les rats et punaises de lit y courent toujours, nos organisations s’indignent de ce que le garde des Sceaux s’émeuve d’une action de réinsertion.

Alors qu’il y a peu, dans son discours d’investiture, Eric Dupond-Moretti affirmait penser « aux prisonniers et à leurs conditions de vie inhumaines et dégradantes », le ministre de la justice assume désormais une communication démagogique et sécuritaire, choisissant d’agiter le mythe populiste de la prison « club med », trop confortable ou récréative, plutôt que de rappeler la réalité carcérale que vivent au quotidien les 72 000 personnes détenues ainsi que les personnels pénitentiaires dans les prisons françaises.

Il nous faut donc - encore une fois - rappeler que la surpopulation pénale en France a été qualifiée de « phénomène structurel » par la Cour européenne des droits de l’homme et qu’il en résulte, outre un quotidien relevant de traitements inhumains et dégradants pour les justiciables détenus, un accès aux soins, à la scolarité, à la formation ou au travail plus que limité dans ce contexte.

Pire encore, le garde des Sceaux, dont nous aurions attendu un rappel apaisé du sens de la peine et du travail carcéral, fait fi des objectifs de la peine affirmés dans l’article 707 du code de procédure pénale : la prévention de la récidive et la protection de la société, qui ne peuvent se départir de la réinsertion du condamné. Ces objectifs, en détention, passent par l’accès donné aux détenus à des dispositifs et activités variés, mis en œuvre par l’administration pénitentiaire et ses partenaires, leur permettant d’accroître leurs qualifications et compétences professionnelles, d’engager des réflexions sur leurs parcours personnels et leurs passages à l’acte, de remettre en question leurs schémas de pensée, de développer leur motivation au changement et ainsi, de s’amender. L’événement organisé à la maison d’arrêt de Fresnes s’inscrit clairement dans cette logique et nous déplorons cette polémique qui vise à le réduire à une farce au bénéfice de détenus injustement gâtés. Nos organisations continueront à soutenir ces actions collectives participant pleinement à donner son sens à la peine.

Feignant de méconnaître l’investissement des acteurs de la réinsertion, tant dans la construction du projet sujet à financement, autorisation et vérification par la chancellerie, que dans sa réalisation et son aboutissement, le Ministre anéantit d’un tweet le travail réalisé par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, surveillants, associations autour de la personne détenue pour lui permettre de retrouver du sens dans le lien social.

Alors même que le rapport Sauvé confirme le cri d'alarme autour de la nécessité d'un mécanisme de régulation carcérale que nous appelons depuis bien trop longtemps de nos voeux, nous demandons au ministre et à ses équipes de concentrer leurs efforts sur ce chantier prioritaire pour mettre fin durablement à la surpopulation carcérale.

Le 3 juin 2020, face à une diminution exceptionnelle du nombre de détenus, quelque mille personnalités publiques et professionnels de la justice appelaient Emmanuel Macron à se saisir de cette occasion historique pour mettre fin au surpeuplement des prisons. Aujourd’hui, le constat est amer : le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter depuis juillet 2020. Face à la surdité de l’exécutif, des associations et organisations professionnelles du milieu prison-justice invitent les citoyens, dans un communiqué que vous trouverez en pièce jointe, à interpeller de nouveau, un an après, le président de la République pour l’exhorter à agir.

Surpopulation carcérale (371.05 KB) Voir la fiche du document

 

Depuis le début de la crise sanitaire et au gré des restrictions de déplacement et regroupement prises par le gouvernement, un certain nombre de services pénitentiaires d'insertion et de probation ont interrompu, sur instruction des directions interrégionales des services pénitentiaires, les actions collectives, notamment celles liées à la prévention de la récidive en matière de violences conjugales (stages de sensibilisation, groupes de parole, etc). Cette interruption s'est poursuivie alors même que les transports en commun, la restauration collectiveet nombre de commerces demeuraient ouverts et que la communication du ministère de la Justice insistait sur sa détermination à lutter contre les violences conjugales.

Alors que l'actualité démontre à nouveau, si cela était encore nécessaire, l'importance des actions de suivi en matière de violences conjugales, nous avons adressé le 10 mai un courrier au directeur de l'administration pénitentiaire pour lui demander la reprise de ces activités au plus tôt. Le caractère indispensable de la prévention en matière de violences conjugales nécessite en effet la mise en oeuvre effective des décisions des tribunaux et des juges de l'application des peines.

Le directeur de l'administration pénitentiaire nous a rapidement répondupar retour de mail, expliquant lutter également contre la circulation du virus et nous annonçant la reprise prochaine des activités collectives en fonction des restrictions sanitaires et "selon le calendrier annoncé par le gouvernement". 

Vous trouverez ce courrier en pièce jointe.

Activités collectives des SPIP: notre courrier au DAP (739.89 KB) Voir la fiche du document