Syndicat de la magistrature

PJL confiance

  • Déclaration liminaire commune lors du Comité technique des services judiciaires

    Le 23 mars 2021, les organisations syndicales de greffiers et de magistrats ont quasi-unanimement boycotté (à l’exception de C Justice) le comité technique des services judiciaires dont l’ordre du jour portait sur l’examen du projet de loi pour la « confiance » dans la Justice. 

    Vous trouverez ci-joint la déclaration liminaire commune qui a été lue au début du CTSJ. 

    Le projet du gouvernement pour la Justice est très cohérent : une énième loi en décalage total avec la réalité des besoins de la Justice, une communication traduisant en réalité la défiance, et le refus de recruter des greffiers et magistrats pour mettre l’institution en mesure de remplir enfin son office dans des conditions et délais satisfaisants pour les justiciables. En un mot, un affaiblissement de la Justice. 

    Déclaration liminaire commune () Voir la fiche du document

  • [Analyse du PJL confiance] Episode 1 : la cour d’assises

    Jusqu’à présent, le garde des Sceaux s’est cantonné à une omniprésence médiatique, surfant sur sa réputation d’avocat auréolé de nombreux succès pour attirer vers lui les médias et porter un  discours à la fois emprunt de référence aux grands principes, teinté de populisme, et en tout cas souvent déconnecté de la réalité du fonctionnement de la justice.

    Le projet de loi pour la confiance dans la justice, qui vient d’être dévoilé, est l’occasion de mesurer si le garde des Sceaux est capable de quitter le ministère de la parole et de passer à celui des actes. Spoiler : non. Les grands principes qu’il avait portés lors de son discours d’investiture semblent s’être évaporés. Ne demeure en définitive qu’une idée : la défiance envers la justice. Défiance envers les organisations syndicales et les instances représentatives qui ont été largement contournées et ne sont consultées qu’en urgence sur un texte déjà ficelé. Défiance envers les magistrats et fonctionnaires de greffe, qui tiennent à bout de bras les juridictions et qui vont devoir subir une nouvelle réforme décousue alors que les cendres de la LPJ sont encore chaudes. Défiance envers les justiciables qui vont voir la qualité de la justice se dégrader encore. 

    Ce projet constitue globalement un croisement entre quelques obsessions personnelles du ministre et la poursuite de la visée gestionnaire de la chancellerie pour juger plus avec moins, qui s'accordent parfaitement sous le haut patronage d'un exécutif dont le moins qu’on puisse dire est que le renforcement de l’autorité judiciaire n’est pas la première préoccupation. 

    Plutôt que d’analyser d’un bloc ce projet de loi particulièrement indigeste et désespérant, aussi bien au fond que par la médiocrité d'un travail de rédaction légistique mené au pas de charge, nous avons décidé de le feuilletonner en plusieurs documents thématiques. La première de ces analyses thématiques portera sur le jugement des crimes. Alors que le garde des Sceaux avait annoncé vouloir à tout prix sauver les cours d’assises, le projet de loi vient les réduire à peau de chagrin en généralisant les cours criminelles départementales pour les infractions punies de moins de 20 ans d’emprisonnement, avant la fin du délai d’expérimentation prévu dans la loi… du 23 mars 2019. Il apporte quelques modifications aux règles régissant les cours d’assises et les cours criminelles départementales qui sont au mieux saugrenues, au pire délétères. Vous trouverez ci-joint nos observations.

    D’autres analyses thématiques seront mises en ligne par la suite sur les dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense, sur l’exécution des peines, sur la justice civile, ou encore sur la justice filmée. 

    Justice criminelle : l'exécution des cours d'assises () Voir la fiche du document

    Les observations ont été mises à jour le 23 avril, à la suite de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, et au vu de l'avis du Conseil d'Etat et de l'étude d'impact. 

    L'exécution des cours d'assises (mise à jour) () Voir la fiche du document

  • [Analyse du PJL confiance] Episode n°2 : procédure pénale, la liste de courses

    Vous trouverez ci-joint l’épisode n°2 de nos observations sur le projet de loi pour la "confiance" dans l’institution judiciaire. Il comporte une analyse :
    - des dispositions concernant le renforcement du contradictoire dans l’enquête préliminaire et la limitation de sa durée
    - des dispositions relatives à la protection du secret professionnel des avocats
    - des dispositions relatives au « renforcement » du secret de l’enquête et de la présomption d’innocence. 
    Ce projet de texte, manifestement écrit à la va-vite à partir d’un rapport non moins bâclé de la commission Mattei, qui ne pouvait, dans le délai qui lui a été donné pour rendre ses travaux (un mois), faire bien mieux, peut être résumé de la manière suivante : aucune rigueur, l’instauration d’un droit flou qui profitera à quelques-uns, aucune cohérence, quelques idées saugrenues, et de l’affichage. 

    Procédure pénale : la liste de courses () Voir la fiche du document

    Les observations ont été mises à jour le 21 avril, à la suite de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, et au vu de l'avis du Conseil d'Etat et de l'étude d'impact. 

    Vous trouverez ci-joint ces observations, comportant les analyses suivantes : 

    - des dispositions concernant le renforcement du contradictoire dans l’enquête préliminaire et la limitation de sa durée
    - des dispositions relatives à la protection du secret professionnel des avocats
    - des dispositions relatives au « renforcement » du secret de l’enquête et de la présomption d’innocence
    - des dispositions relatives à la détention provisoire
    - des dispositions relatives à l'enquête sur les crimes sériels
    - de dispositions diverses

    Observations mises à jour 21 avril () Voir la fiche du document

  • [Analyse du PJL confiance] Episode n°3 : Justice civile : l'intérêt du justiciable encore oublié

    Sur les 33 articles qui composent le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, 14 sont en lien avec la matière pénale et 12 concernent les professions du droit – on retrouve là les priorités, voire les seuls sujets du garde des Sceaux. Il ne s’agit évidemment pas d’un projet de loi consacré principalement à la matière civile – d’ailleurs, le terme civil n’est présent qu’à 6 reprises, dont 2 en lien direct avec la matière pénale (civilement responsable). Autant dire que la matière civile n’a pas eu la faveur du politique, qui préfère comme souvent le pénal. Faut-il le regretter pour autant ? Les dernières réformes successives intervenues en la matière ont tant rimé avec une dégradation du processus juridictionnel pour adapter le fonctionnement de la justice civile à la pénurie, que nous pouvons craindre que toute nouvelle disposition aggrave cette tendance. 

    Il ne convient pas pour autant de se réjouir. L'intitulé du projet de loi ne concerne pas uniquement la matière pénale mais l’ensemble de la justice, et le texte comporte quelques dispositions concernant la procédure civile. De quoi semer les jalons d’un processus législatif ouvert aux amendements du gouvernement et du parlement en matière civile en évitant la censure du Conseil constitutionnel, devenu particulièrement exigeant lors de son contrôle des cavaliers législatifs ?

    Dans sa forme initiale, le projet de loi contient deux dispositions qui méritent plus particulièrement notre attention : l’une concernant le report de la date d’entrée en vigueur de la JUNIP, dont la suppression était pourtant annoncée ; l’autre concernant la création d’une nouvelle catégorie de titre exécutoire : les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. Ces deux dispositions révèlent tant les malfaçons de la loi qu’une certaine tendance actuellement à l’œuvre qui tend à faire prévaloir sur l’intérêt général et sur l’intérêt du justiciable des considérations économiques et les avantages de certains groupes professionnels en particulier. Vous trouverez nos observations sur ces deux sujets en pièce jointe.

    PJL défiance : analyse civil () Voir la fiche du document

    Les observations ont été mises à jour le 23 avril, à la suite de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, et au vu de l'avis du Conseil d'Etat et de l'étude d'impact. 

    Observations procédure civile mises à jour () Voir la fiche du document

  • La nouvelle indignité d'Eric Dupond-Moretti : en avant toute pour l'inflation carcérale

    Le ministre de la justice annonce depuis hier soir une série de mesures pour un projet de loi de réforme de la Justice qui sera présenté en avril prochain, et notamment la suppression de l'automaticité des crédits de réduction de peine. Il est affligeant dans le contexte actuel que la seule réponse à la situation carcérale consiste en cette disposition, accompagnée du rappel de la construction de nouvelles places de prison alors que le gouvernement n'a pas anticipé l'inconstitutionnalité depuis le 1er mars de l'article 144-1 alinéa 2 du code de procédure pénale, ni pris de disposition pour répondre aux exigences de la CEDH et notamment celle de remédier à la surpopulation carcérale structurelle de la France.

    Vous trouverez en pièce jointe notre communiqué de presse. 

    La nouvelle indignité d'Eric Dupond-Moretti : en avant toute pour l'inflation carcérale () Voir la fiche du document

  • [Analyse du PJL confiance] Episode 4 : filmer les audiences

    Le titre 1er du projet de loi comporte un article unique ayant pour objet de « faciliter l’enregistrement et la diffusion des audiences pour améliorer la connaissance par nos concitoyens des missions et du fonctionnement de la justice ». Il crée un nouveau régime d’autorisation d’enregistrement audio-visuel des audiences, tant judiciaires qu’administratives, qui se présente sous forme d’une dérogation à l’interdiction générale de ces enregistrements fixée à l’article 38ter de la loi du 29 juillet 1881.

    Sur le principe, ces dispositions du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire sont parmi les rares qui peuvent recueillir notre approbation. En effet, la possibilité d’enregistrer ou de filmer certaines audiences – pas toutes – présente un intérêt certain pour rendre davantage effectif le principe de la publicité des audiences, et plus généralement pour « donner à voir » la justice, la rendre plus visible et par conséquent – nous l’espérons – plus lisible. Cela permettrait d’éviter les biais et les simplifications à outrance, en montrant la justice dans toute sa complexité, mais aussi sa simplicité. A la condition bien sûr que ne soient pas concernés que les « grands » procès ou ceux qui font la une des faits divers, la diffusion des audiences permettraient ainsi aux citoyens d’avoir plus facilement accès au fonctionnement de la justice du quotidien et donc à la connaissance de leurs droits. 

    Il est vrai en outre que le cadre actuel apparaît obsolète par rapport au besoin d’information sur le fonctionnement de la justice et n’est d’ailleurs plus respecté, nombre de reportages ou documentaires ayant pu être réalisées, en dehors de ce cadre légal, selon un régime d’autorisation qui sont données de fait contra legem.

    Le système retenu, correspondant à celui existant dans de nombreux pays, à savoir celui du maintien d’une interdiction de principe, avec des dérogations possible lorsque cela relève d’un intérêt public, nous apparaît équilibré.

    Il faut néanmoins rester lucide sur les réels effets réels produits par ces dispositions. En effet, l’étude d’impact les présente comme un moyen de restaurer la confiance dans la justice en montrant comment elle fonctionne ainsi que la complexité de l’acte de juger. Si tout cela est vrai et présente un intérêt certain, il y a lieu de relever que la confiance dans la justice ne dépend pas uniquement de sa visibilité ou de sa lisibilité. Ainsi, comme le rappelle l’étude d’impact, le manque de confiance envers l’institution judiciaire concerne notamment des suspicions quand à l’impartialité des juges et leur indépendance vis à vis du pouvoir politique, autant de questions qui ne sauraient être résolues par la simple diffusions d’images d’audiences à la télévision ou sur internet mais qui nécessitent des réformes institutionnelles permettant de renforcer dans les faits le statut des magistrats. De même, il ne saurait être ignoré l’impact notable de l’indigence des moyens de la justice sur la qualité des audiences et de la motivation, sur les délais d’audiencement et de jugement, autant d’éléments qui ont une incidence non négligeable sur la mauvaise opinion que les citoyens peuvent se faire de leur justice, à juste titre malgré l’engagement de l’ensemble des professionnels pour faire au mieux.

    Pour autant, les modalités prévues suscitent un certain nombre d’interrogations de notre part, voire des inquiétudes qui n’ont pas toutes été levées par la modification de l’avant-projet de loi à la suite de l’avis du Conseil d’État, avis qui va dans le bon sens.

    Vous trouverez ci-joint nos observations détaillées sur les audiences filmées. 

    Filmer les audiences () Voir la fiche du document

     

  • [Analyse du PJL confiance] Episode 5 : dispositions relatives à l’exécution des peines, haro sur la réinsertion !

    Le chapitre V du projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » porte sur l’exécution des peines et comporte trois dispositions principales :
    - l’extension du champ d’application de l’ordonnance d’incarcération provisoire (art 712-19 du CPP)

    - la modification de l’article 720 du code de procédure pénale par l’ajout de deux alinéas per- mettant l’octroi de plein droit (sous certaines conditions relatives à la peine exécutée) d’une mesure de libération sous contrainte (LSC) dès lors que le reliquat de peine à exécuter est inférieur à trois mois ;

    - la refonte du système des réductions de peine avec la fusion des crédits de réduction de pei- ne avec les réductions supplémentaires de peine.

    Il est difficile d’apprécier l’effet de telles mesures sur la durée moyenne d’incarcération mais en tout état de cause rien ne permet d’affirmer que celle-ci soit amenée à baisser. Nous pou- vons relever que le Conseil d’Etat note, dans son avis sur le projet de loi que le projet de loi durcit donc le régime de retrait des réduction de peines, avec en conséquence un risque que cela entraîne une augmentation de la durée moyenne d’incarcération. Si l’on se fie à l’étude d’impact, en supposant que le taux d’octroi des futurs réductions de peine sera similaire à celui des réductions de peine supplémentaires, la réforme entraînerait une augmentation de la population carcérale comprise entre 8207 et 12750 personnes. Si la réforme de la LSC concerne un certain nombre de condamnés (6445 en janvier 2021 selon l’étude d’impact), rien ne garantit qu’elle permette d’endiguer l’augmentation de la surpopulation carcérale.

    Or, l’actualité et l’urgence de la France en matière d’exécution des peines est bien au contrai- re de faire baisser de façon effective le nombre de détenus (sur lequel joue bien entendu la durée moyenne de l’incarcération) comme l’exige notamment l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme J.M.B. et autres c. France rendu le 30 janvier 2020. Cet arrêt, sur l’exécution duquel la France doit donner des explications au conseil des ministres du Conseil de l’Europe, impose à la France de remédier de façon pérenne à la surpopulation carcérale qualifiée de structurelle.

    A noter que ce même arrêt imposait à la France de mettre en place un recours effectif permet- tant aux détenus de mettre fin aux conditions de détention indignes, ce qui est censé avoir été fait avec le vote (issu d’une proposition de loi, donc sans étude d’impact sur les moyens à allouer aux services judiciaires pour absorber ce nouveau contentieux) de la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le respect de la dignité en détention. Toutefois le Syndicat de la ma- gistrature considère que le dispositif mis en place ne permettra pas de garantir l’effectivité du recours exigée par la CEDH. A ce titre nos observations communes avec l’OIP, le SAF et l’A3D sont consultables ici

    Passons sur l’argument du ministre de la Justice prétendant refuser l’automaticité (des crédits de réductions de peine, par ailleurs non pas définitifs puisqu’ils peuvent être retirés) alors que l’automaticité est mise en place pour la LSC (« de plein droit ») à trois mois de la fin de peine. Reprenant d’un côté ce qu’elles donnent de l’autre, le sens des dispositions sur l’exécution des peines du PJL « confiance » est difficile à interpréter, en tout cas dans leur économie générale. En effet, il serait désormais prévu pour un grand nombre de détenus (sous réserve du quantum des peines en cours d’exécution et de la nature des infractions commises), une sortie quasi- ment systématique à trois mois de la fin de sa peine sous le régime de la LSC mais il serait dans le même temps devenu inacceptable d’accorder d’emblée un crédit sur le comportement en détention. En somme, l’exécution des peines se concentre sur le comportement en déten- tion et non plus sur une préparation à la sortie pour que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions et soit autant que possible facteur de réinsertion.

    Vous trouverez en pièces jointes nos observations détaillées à jour de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'Etat. 

    Observations volet exécution des peines () Voir la fiche du document

  • [Analyse du PJL confiance] Episode 6 : travail en détention, un essai à transformer

    Sur les 29 % des personnes détenues qui travaillent - soit environ 20 000 personnes en moyenne annuelle - le travail en détention est constitué par le service général (52 %) correspondant au fonctionnement du service public pénitentiaire, le travail en concession pour le compte d’opérateurs privés (42 %) et le service de l’emploi pénitentiaire (6 %), opérateur qui gère 48 ateliers répartis dans 27 établissements pénitentiaires. 

    La question du travail en détention est jusqu’à présent régie par deux textes assez synthétiques pour ne pas dire sibyllins : l’article 717-3 du code de procédure pénale et l’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ils prévoient le principe du taux horaire minimum de rémunération fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance (SMIC) précisant que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail et que le travailleur détenu signe un « acte d’engagement » avec le chef d’établissement dans lequel sont énoncés les droits et obligations professionnels ainsi que les conditions de travail et la rémunération. Ainsi, aucune précision n’est en l’état donnée sur la nature et la portée des droits et obligations des travailleurs détenus ni sur les normes minimales à respecter en matière de conditions de travail, si ce n’est que l’acte d’engagement précise « les modalités selon lesquelles la personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l’absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique prévues aux articles L 5132-1 à L 5132-17 du code du travail »

    Le travail en détention est traversé par les tensions propres à l’emprisonnement en France. Fondamentalement, le détenu doit, pour obtenir le droit de travailler, montrer patte blanche à l’administration et se soumettre à son bon vouloir, sans pouvoir émettre de protestations lorsque certains principes pourtant essentiels sont bafoués ; l’administration peut modifier unilatéralement l’acte d’engagement, bien que le détenu ait signé cet acte ; l’administration pénitentiaire est fictivement considérée comme étant l’employeur, maintenant le condamné dans un bannissement symbolique contre-productif pour sa réinsertion. Alors que la détention a pour rôle de préparer le détenu à la sortie de prison, celui-ci reste cantonné à un rôle de sujet sans droits. Ce statut contribue au développement de pratiques au sein des établissements pénitentiaires aux marges de la légalité de la part de l’administration et des donneurs d’ordres.

    Ces manquements en matière de droit du travail ont pu être relevés notamment dès l’année 2000 par la commission d’enquête sur les prisons de l’Assemblée nationale qui a dénoncé le fait que « l’absence de respect du droit du travail ruine la conception même du travail pénal comme outil d’insertion » ; ils sont à mettre en lien avec la baisse importante du taux d’emploi des personnes détenues qui est passé de 49,7 % des personnes détenues au début des années 2000 à 28,2 % en 2018. C’est ainsi tout le modèle économique du travail pénitentiaire qui montre dans son ensemble ses limites et nécessite une réforme digne de ce nom.

    Pour répondre à ces critiques, et en lien avec les propos d’Emmanuel Macron le 6 mars 2018 lors de son discours à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, qui revendiquait le fait que « le lien qui unit l’administration pénitentiaire et le détenu travaillant en son sein » ne doit plus être « un acte unilatéral avec la négation de tous les droits », mais « un lien contractuel avec des garanties qui s’y attachent » et que l’« on ne peut pas demander à des détenus de respecter la société, de pouvoir se réinsérer en elle » si « on nie [leur] dignité et [leurs] droits », le PJL pour la confiance dans la justice vise à définir un réel statut du travailleur détenu, ce que nous ne pouvons que saluer. 

    Ce texte crée ainsi le contrat d’emploi pénitentiaire et a pour objectif de consacrer un certain nombre de droits collectifs et personnels propres au travail ainsi qu’à aboutir à un code pénitentiaire. Toutefois, en raison de la forme utilisée, notamment le recours à l’article 38 de la Constitution et le passage par ordonnances, ainsi que compte tenu des imprécisions et vides du texte, de nombreuses interrogations demeurent sur la création d’un réel statut du travailleur détenu au risque au final de ne créer qu’une coquille vide.

    Vous trouverez ci-joint nos observations détaillées sur cette partie du projet de loi, à jour de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'Etat. 

    Observations sur le travail en détention () Voir la fiche du document

  • PJL "confiance" dans la justice : notre audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale

    Nous avons été entendus lundi 19 avril par les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale et le rapporteur du texte, Stéphane Mazars. 
    Cette audition, prévue initialement sous la forme d’une table ronde de deux heures avec les autres organisations syndicales - histoire de cocher la case « on a consulté » - a finalement eu lieu sous la forme d’une intervention de notre organisation suivie de - quelques - questions des parlementaires. Initialement prévue pour une durée de 45 mn, elle a duré une heure. 

    Nous aurons ainsi eu quelques jours après la présentation du projet de loi en conseil des ministres mercredi dernier pour prendre connaissance des modifications et ajouts du texte par rapport au projet qui nous avait été adressé il y a un mois, de l’avis du Conseil d’Etat et de l’étude d’impact de plus de 300 pages. Les parlementaires eux-mêmes ont seulement quelques jours avant l’examen du texte en séance. C’est dire que le processus d’élaboration de la loi a totalement déraillé. 

    En dehors de notre analyse précise de chaque partie du texte, nous avons introduit notre propos en soulignant, comme nous l’avions fait devant la commission Mattei, la grande lassitude - voire le désespoir - des professionnels de justicedans un contexte marqué par des réformes incessantes, erratiques, dictées par l’actualité et des considérations politiciennes, si bien que le gouvernement est capable, sous la même mandature présidentielle et avec la même majorité, de faire puis défaire sans aucune cohérence, sans aucune colonne vertébrale, sans aucune vision et perspective pour la Justice.

    Nous avons rappelé aux parlementaires qu’ils avaient, en mars 2019, voté plusieurs dispositions pour autoriser davantage d'actes coercitifs et intrusifs pendant l’enquête préliminaire, notamment celle permettant d’étendre les écoutes téléphoniques à tous les faits punis de trois ans d’emprisonnement pendant l’enquête préliminaire - disposition finalement censurée, comme de nombreuses autres, par le Conseil constitutionnel. Sans davantage de réflexion de fond sur les équilibres de la procédure pénale, et les moyens et réformes structurelles propres à redonner à l’autorité judiciaire son rôle de contrôle et de direction de l’enquête, ils s’apprêtent aujourd’hui à effectuer un virage à 180° par rapport à la visée du texte adopté il y a deux ans - sans pour autant créer réellement des droits pour les justiciables. 

    Ce productivisme frénétique en matière de procédures pénale et civile est assumé : l’étude d’impact relève d’ailleurs en plusieurs occurrences que certaines dispositions ont pour objet de « corriger des erreurs et imprécisions » des lois précédentes. Les parlementaires ont voté en 2019 une expérimentation pour trois ans des cours criminelles? Cela ne les engage pas à exiger d’aller au bout de ce qu’ils ont eux-même décidé, et ils s’apprêtent à voter leur généralisation avant terme. Nous avons ainsi rappelé à Monsieur Mazars, qui avait présidé une mission flash sur les cours criminelles à l’automne dernier, que nous lui avions fait part, lorsqu’il nous avait entendu dans ce cadre, de notre crainte que ces évaluations avant terme ne soient faites pour accélérer la généralisation...

    Nous avons enfin souligné que la chancellerie n'avait, elle-aussi, procédé qu'à une consultation de façade des organisations syndicales et professionnelles de la justice, en rappelant le boycott par l’ensemble des organisations des comités techniques sur le projet de loi. C’est uniquement à notre demande que nous avions été précédemment reçus par le directeur des affaires criminelles et des grâces et le directeur des services judiciaires, à qui nous avons fait part de nos très fortes critiques sur la qualité et le contenu du projet de loi, mais l’administration centrale n’a organisé aucune concertation digne de ce nom sur l’élaboration de ce texte. Dans l’étude d’impact, la chancellerie paraît estimer que les consultations menées elles-aussi au pas de course par la commission Mattei en ont tenu lieu, alors même que le projet de loi est bien plus large que l’objet de cette commission et que celle-ci n'a d'ailleurs pas consulté les organisations syndicales de fonctionnaires.

    L’étude d’impact est souvent indigente, quand elle ne flirte pas avec l’exercice de communication politique : elle comporte de longs développements rappelant l’historique législatif sur les sujets du projet de loi, mais devient quasi inexistante - voire mensongère - dès lors qu’il s’agit d’évoquer le nombre de magistrats et greffiers nécessaires pour remplir les nouvelles attributions qui seront prévues par la loi. Pour en donner un exemple, la chancellerie évalue que pour la prolongation potentielle de 28 000 enquêtes préliminaires par année, en application des nouvelles dispositions relatives aux délais butoirs, 4,2 ETP supplémentaires de magistrats seront nécessaires, en se référant faussement à une évaluation du rapport Michel qui ne concerne absolument pas ce type de mesure. Quant au travail supplémentaire concernant le suivi de la durée des enquêtes par le parquet pour vérifier si elles ont atteint le délai butoir, il n’est tout simplement pas évalué. 

    Nous poursuivrons notre travail de critique point par point de ce texte auprès des parlementaires, malgré la dégradation continue du processus législatif et des termes du débat public sur la justice, dégradation à laquelle contribue activement le gouvernement.
  • Notre audition par la commission des lois du Sénat et notre courrier au DACG

    Nous avons été entendus par les membres de la commission des lois du Sénat et rapporteurs du texte sur le projet de loi confiance adopté par l’Assemblée nationale, et qui doit passer en séance au Sénat en septembre prochain. 

    Nous avons remis au Sénat l’ensemble de nos observations détaillées  et insisté sur les nouveautés introduites par l’Assemblée nationale dans le texte, qui aggravent notamment les obstacles à la lutte contre la criminalité économique et financière. Nous avons d’ailleurs transmis aux sénateurs notre courrier adressé au directeur des affaires criminelles et des grâces (en PJ) concernant ces amendements de l’Assemblée nationale, courrier qui n’a donné lieu à aucune réponse. 
    Il nous apparait essentiel que les sénateurs puissent se voir communiquer un complément de l’étude d’impact (qui était par ailleurs dès le départ très indigente, notamment sur le point de l’évaluation de la charge de travail induite par les évolutions de la procédure pénale), afin de mesurer si ces amendements répondent à autre chose que des idées reçues ou des marottes dénuées de fondement. 

    Cette audition s’est déroulée dans une atmosphère plus favorable que la précédente à l’Assemblée nationale, qui avait eu lieu quelques jours seulement après la présentation du projet de loi en Conseil des ministres dans un rythme effréné. Nous espérons ainsi que le Sénat saura apporter des correctifs au texte, même si, en l’état du fonctionnement du parlement, ces modifications risquent fort de n’être pas reprises à l’Assemblée nationale. 

    Nous continuerons notre travail d'analyse et de dénonciation de ce texte dans le cadre de nos auditions par les groupes parlementaires. 

    Notre courrier au DACG () Voir la fiche du document

  • Dispositions relatives à la détention : notre courrier inter associatif aux députés et notre courrier aux sénateurs

    Outre les observations que nous avons rédigées sur toutes les thématiques concernées par le texte que vous trouverez regroupées dans un dossier spécifique sur notre site icinous avons également contribué - alors que le texte en actuellement en débat en séance publique à l'Assemblée nationale - avec 14 autres organisations dont l'OIP, la LDH, le SAF, le secours catholique, l'A3D...à la rédaction d'une lettre ouverte à destination des parlementaires (cf. PJ). Nous y regrettons le choix du passage de ce projet de loi en procédure accélérée, qui n’aura pas permis de véritable concertation ni avec la société civile, ni avec les professionnels, négligeant ainsi la richesse des débats que les sujets abordés auraient pu susciter. 
     
    Nous y analysons par ailleurs le contenu de ce projet de loi notamment les dispositions relatives à la détention et l’exécution des peines privatives de liberté. Nous insistons sur le fait que l’urgence en matière de détention n’est pas de supprimer toute perspective de réduction de peine dès l’entrée en détention et de risquer une inflation carcérale mais de répondre aux exigences de la CEDH posées depuis plus d’un an et de mettre fin à la surpopulation des établissements pénitentiaires qualifiée de structurelle en France.

    Lettre aux députés () Voir la fiche du document

    Nous avons adressé une seconde note en juillet, cette fois aux sénateurs, dans la perspective de l'examen du texte en septembre, que vous trouverez ci-jointe.

    Notre note adressée aux sénateurs () Voir la fiche du document

     

  • Remplacement du rappel à la loi : Abracadabra !

    Annoncer un dimanche soir, par voie de presse, sans commencement danalyse, que labrogation des rappels à la loi prévue dans le projet de loi pour la confiance dans linstitution judiciaire allait être finalement détrônée par la création de lavertissement pénal probatoire, relève de la prestidigitation politique. 

    Il faut dire que la bévue était tellement flagrante en annonçant - par amendement - la suppression des rappels à la loi, quEric Dupond-Moretti se devait de puiser dans ses talents de piraterie pour sauver la mise. 

    Le rappel à la loi, qui est la moins sévère des réponses pénales à disposition de linstitution judiciaire, a pour avantages de répondre aux « petits » délits, à moindre coût et rapidement, et s'agissant des mineurs très concernés par cette mesure alternative, de mettre un terme le plus souvent à une primo-délinquance. Contrairement à ce qu’assènent certains syndicats de police, qui prônent la suppression de cette réponse pénale depuis longtemps, il ne sagit donc pas d’un «panpan cucul ».

    Le rappel à la loi, qui représente 21 % de la réponse pénale aux affaires poursuivables (infractions établies avec un auteur connu, soit 260 000 rappels à la loi prononcés en 2019), symbolise dans le même temps cette politique de la « tolérance zéro » érigée comme un totem vu que le « sentiment d’insécurité » est devenu la nouvelle norme statistique en matière pénale. Un vent de panique a donc soufflé dans les couloirs vendômiens à lidée de voir le taux de réponse pénale - qui frôle les 90 % puisque cette mesure a permis de faire passer ce taux de 67,5 % en 2000 à 87,7 % en 2019écorché.

    Or, comme il n’est pas question dans les priorités du gouvernement de réfléchir au sens nouveau de l’opportunité des poursuites ou de budgéter des mesures alternatives d’accompagnement du côté de la justice et de mettre en place des politiques de gestion des conflits de proximité du côté de la police, nos magiciens technocrates ont alors fait du neuf avec du vieux, avec une dose sécuritaire. 

    Ainsi, le « rappel à la loi » est remplacé par l’« avertissement pénal » : le champ lexical sécuritaire a ses raisons que la raison ignore ; la probation est adjointe à l’avertissement : au nom de la société de « surveillance », nous le valons bien.

    En effet, d’après les maigres informations publiées, cet avertissement « sera délivré par la justice qui, pendant un an, mettra les mis en cause sous surveillance. Dans le cas d'une autre infraction durant cette période, ils seront alors jugés pour les deux délits, le nouveau et l'ancien ». Et « sera effectif dès le 1er janvier 2023 ».Passons sur le fait que d’ores et déjà, le procureur peut pendant six ans décider de poursuivre une affaire classée après un rappel à la loi en cas de commission d’un nouveau fait, s’il l’estime opportun. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’automatisation de la décision est le remède annoncé aux errements de procureurs et juges trop occupés à individualiser la réponse pénale, et qu’il convient de remettre dans le droit chemin. 

    Passons aussi sur le fait que cette mesure sera interdite pour les violences envers les forces de l’ordre : là encore, l’effet d’annonce est le plus important, et peu importe si cette réponse pénale n’est d’ores et déjà pas choisie par les parquets pour ce type de faits. 

    Passons encore sur le fait que les parquets conditionnent déjà le classement des procédures au remboursement des victimes, ou à la régularisation d’une situation, comme le prévoit l’article 41-1 du code de procédure pénale. 

    Quel écoeurement las de voir Eric Dupond-Moretti, à coup de com’, à défaut de consulter les professionnels de justice du terrain sur les intéts en jeu en matière dalternatives aux poursuites, annoncer une énième réforme fondée sur le fantasme du laxisme judiciaire et rassurer à bon compte en annonçant une mesure de « surveillance » qui n’en est pas une mais resserre l’étau d’une réponse pénale automatique et déconnectée du réel. 

    CP Rappel à la loi, abracadabra () Voir la fiche du document

  • Nouveau quinquennat, nouvelles méthodes ? Notre courrier au Président de la République

    A l’aube de cette nouvelle mandature du président de la République tout juste réélu, nous ignorons encore quelle sera la feuille de route du nouveau gouvernement en matière de justice.