Défense des libertés

Les atteintes aux libertés fondamentales sont légion ces derniers mois, de même que les idées d'extrême-droite souillent les débats publics alors que nous sommes qu'au début de la campagne électorale. Ces atteintes et ces souillures fondent les discours politiques dominants mais surtout, à force, pénètrent les esprits d'un grand nombre de citoyens de sorte que la défense de l'Etat de droit et la dénonciation des inégalités deviennent inaudibles.

Le syndicat s'est donc associé aux côtés d'une mosaïque de syndicats, d'associations et de partis politiques à l'organisation d'unemanifestation - qui va se dérouler le 12 juin 2021 dans toute la France et dont les modalités vous seront précisées prochainement- (appel à lire ici), l'idée commune étant de pouvoir reprendre la main dans un espace politique aujourd'hui squatté par des appareils ayant perdu leur boussole démocratique.

Notre communiqué de presse collectif à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs dispositions de la loi sécurité globale.

 

La loi dite sécurité globale a été votée le 15 avril 2021 et le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs ainsi que par le Premier ministre, lequel a du reste seulement visé l'article anciennement 24 relatif au délit de diffusion du visage ou de tout élément permettant l'identification d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de gendarmerie

Depuis le début du processus législatif, nous sommes activement impliqués, aux côtés d'autres organisations regroupées au sein de la Coordination Stop Loi Sécurité Globale, dans le décryptage et la dénonciation de ce texte liberticide. Cette loi a en effet ceci de particulier qu’elle marque un tournant significatif dans l’histoire pénale, en sublimant le combo pouvoirs policiers / surveillance technologique de masse / privatisation de la sécurité, sans toutefois constituer un basculement nouveau dans la construction de l’édifice sécuritaire puisque celui-ci a été profondément densifié depuis de nombreuses années. Au fond, cette loi symbolise la quintessence du continuum sécuritaire, et non pas de sécurité comme le présentent ses concepteurs. Nous avons d'ailleurs développé, dans une tribune publiée dans Le Monde (ici), comment cette loi acte le passage dans un Etat de police, sur fond de « safe city », d’accoutumance technologique et d’impératif de vigilance.

C'est logiquement que nous avons donc rédigé une contribution extérieure en commun avec le Syndicat des avocats de France, la Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l'Homme, l'association Droit Au Logement, la CGT et Solidaires, que nous avons déposée au Conseil constitutionnel, et consultable ici

Vous trouverez ci-joint notre communiqué de presse collectif à la suite de la décision rendue par le Conseil constitutionnel. 

Loi sécurité globale : camouflet pour le gouvernement, demi victoire pour les libertés (451.44 KB) Voir la fiche du document

Cet après-midi, ministres et élus de tous bords se presseront à une manifestation organisée par différents syndicats de police, qui font part depuis quinze jours de leur exaspération face à une justice qui ferait quotidiennement la démonstration de son laxisme et de son inconséquence - dénoncée encore dernièrement dans l’affaire de Viry-Châtillon, dont la qualité et la sincérité des investigations menées méritaient bien, outre des protestations outrées devant les acquittements intervenus, le soutien du Directeur général de la police nationale.

La revendication principale exprimée dans le communiqué intersyndical appelant à cette manifestation est celle de peines planchers pour les agresseurs des forces de l’ordre, ainsi qu’un « changement de logiciel » par rapport à « l’orientation prise pour l’individualisation des peines et l’érosion de celles qui sont prononcées ».

S’engouffrer dans l’instrumentalisation des drames récemment vécus par deux fonctionnaires de police est bien commode pour nos élus et ministres : ils espèrent ainsi faire oublier le renoncement des gouvernements qui se sont succédés à faire des forces de l’ordre de véritables agents de la paix publique, et à améliorer leurs conditions de travail et leur formation.

Le courage politique et surtout le sang-froid démocratique de ces responsables politiques méritent d’être salués : il eût été peu stratégique, alors qu’il est temps de battre campagne, de ne pas être aux côtés de ceux qui représentent les agents de la force publique - quitte à avaliser la démonstration de force - et du côté de la belle unanimité qui se forme pour accuser ceux qui appliquent les lois votées années après années. Cela ne coûte pas cher, le prix à payer étant seulement de reléguer toujours un peu plus loin le principe de la séparation des pouvoirs, devenu si suranné en ces temps fébriles.

La concurrence est rude, pour obtenir le label de premier flic de France mais le nouvel horizon que dessinent nos ministres et élus en participant à cette manifestation et en s’associant ainsi aux revendications policières, est celui d’une société dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d’être une force publique au service des citoyens, dictant à l’exécutif la définition de la politique pénale, au parlement le contenu des lois, et revendiquant une indispensable impunité pour elle-même - puisqu’elle est la seule à pouvoir sauver la collectivité de l’anarchie.

Quel est le nom d’un tel régime?

 

CP manifestation 19 mai 2021 (80.08 KB) Voir la fiche du document

Vous trouverez ci-joint les observations que nous avons présentées oralement à la commission des lois et transmises par écrit au sujet du projet de loi relatif à la prévention d'actes terroristes et au renseignement déposé le 28 avril 2021, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, qui sont organisées en quatre documents, au vu des nombreux sujets de ce projet de loi : 

- Pérennisation définitive et modification des dispositions de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, du 30 octobre 2017 ;
- Dispositions relatives à la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion ;
- Dispositions relatives au droit de communication aux préfets et services de renseignement des informations relatives aux soins psychiatriques sans consentement ;
- Dispositions relatives au renseignement.

Sur les dispositions de la loi SILT

Le Syndicat de la magistrature s’était, avec de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, opposé à l’adoption de la loi SILT. A l’heure où le gouvernement demande au Parlement de leur donner un caractère définitif, alors que le Sénat avait décidé d’introduire une clause de revoyure, d’ailleurs reportée en fin d’année dernière à cet été, nous estimons que l’ensemble de nos précédentes observations demeure parfaitement d’actualité et les maintenons intégralement. Ces dispositions constituent, après d’autres mais de manière cruciale, une évolution radicale de la police administrative. Inspirée par un principe de précaution incompatible avec la matière à laquelle il s’applique, elle est une rupture fondamentale avec les principes démocratiques de l’intervention étatique, fondée sur un droit pénal d’interprétation stricte et une police administrative mesurée. 

Notre conviction en la matière est renforcée par la lecture de l’étude d’impact, qui tente vainement de démontrer l’utilité dans la lutte contre le terrorisme, d’une part, et l’innocuité pour les libertés fondamentales, d’autre part, de ces mesures. Nous estimons qu’aucun de ces deux objectifs n’est atteint par ces dispositions mises en oeuvre depuis trois ans. Au contraire, le gouvernement admet lui-même en filigrane que certaines de ces mesures peuvent être contre-productives par rapport au travail de renseignement dans le champ de la lutte contre le terrorisme. 

Sur les dispositions relatives à la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

A la suite de la censure quasi intégrale par le Conseil constitutionnel le 10 août 2020 de la loi portée par Yaël Braun-Pivet instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, c'est le gouvernement qui reprend l'idée à son compte en déguisant ces nouvelles mesures de sûreté sous un habillage de réinsertion, au demeurant très flou. Il a néanmoins été devancé puisque le Sénat examine d'ores et déjà une autre proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention, proposition de loi pour laquelle nous avons également été auditionnés le 4 mai dernier par la commission des lois du Sénat. Les deux textes ayant pour objectif clair, tout en tenant compte des réserves exprimées par le Conseil constitutionnel, de créer une nouvelle mesure de sûreté pour les condamnés pour des infractions terroristes qui ne bénéficieraient ni d'un sursis probatoire, ni d'un suivi socio-judiciaire, ni d'une surveillance judiciaire, ni d'une rétention ou d'une surveillance de sûreté, nous avons fait le choix de les examiner ensemble dans nos observations écrites. 

Outre les risques persistants d'anti-constitutionnalité de ces dispositions et leur décalage complet, s'agissant notamment des délais prévus, avec la réalité du travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation et des juges de l'application des peines, nous y dénonçons l'absence de démonstration de l'utilité de ces mesures qui portent pourtant gravement atteinte à des principes essentiels de notre Etat de droit en allant toujours plus loin dans la répression de la dangerosité supposée de certains individus, indépendamment de la commission d'infractions. Nous soulignons pour terminer que s'il est légitime que le législateur cherche à s'approcher du risque zéro en matière de récidive terroriste, d'autres voies existent, à commencer par une amélioration du travail pouvant être fait en détention et surtout, un retour en arrière sur les dispositions qui sont venues limiter drastiquement les possibilités d'obtenir des réductions et des aménagements de peine pour ces détenus, dispositions ayant conduit à l'existence des "sorties sèches" qui inquiètent tant le législateur.

Sur les dispositions relatives au renseignement

Transmission d’informations par les autorités administratives mêmes couvertes par le secret professionnel, augmentation de la durée de conservation des renseignements pour les besoins de la recherche et du développement, expérimentation des interceptions de correspondances par voie satellitaire, pérennisation des boîtes noires ou encore extension aux adresses complètes de ressources sur internet pour le recueil de données en temps réel et le recueil de données au moyen d’un traitement algorithmique… Ce projet de loi comporte de nombreuses dispositions aux noms baroques et aux contenus obscurs, il faut bien l’avouer, mais qui, lorsque l’on regarde dans le détail, consacrent en réalité ce qui émergeait déjà dans la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement : l’extension du champ des activités de renseignement, et la légalisation de techniques de surveillance intrusives. 

Alors que l’exposé des motifs défend un apport de ce texte pour les services de renseignement afin qu’ils continuent de disposer des "moyens d’action adéquats et proportionnés », le Syndicat de la magistrature dénonce au contraire l’éloignement de l’autorité judiciaire, pourtant gardienne des libertés individuelles et réaffirme  la nécessité d’un véritable encadrement a priori des activités qui n’exclue pas le juge judiciaire, compte tenu des enjeux en termes d’Etat de droit inhérents au fonctionnement des services de renseignement. 

Sur les dispositions relatives au droit de communication aux préfets et services de renseignement des informations relatives aux soins psychiatriques sans consentement :

L'article 6 de ce projet de loi étend la possibilité de communication des informations relatives à l'admission d'une personne en soins psychiatriques sous contrainte, aujourd'hui limitée au seul représentant de l'Etat et à ses services en charge du suivi du lieu d'hospitalisation, lorsque ce patient représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics à raison de "sa radicalisation à caractère terroriste". 

D'un point de vue pratique, ce texte marque une étape supplémentaire dans l'interconnexion des fichiers HOPSYWEB et FSPRT, déjà autorisée par le décret du 6 mai 2019, que nous avions dénoncée en ce qu'il créait un amalgame entre folie et terrorisme et privilégiait la logique sécuritaire sur la logique sanitaire. 

Les malades mentaux ne sont donc encore une fois pas épargnés. La lutte anti-terroriste, dotée d'un arsenal législatif pléthorique, continue à servir de prétexte à la création de toutes sortes de dispositifs exorbitants, tels le fichage et le traçage des personnes atteintes de troubles mentaux, sans qu'aucune corrélation n'ait été établie entre radicalisation à caractère terroriste et troubles psychiatriques.

L'étude d'impact et l'avis du Conseil d'Etat relatifs à ces dispositions sont indigents, pour ne pas dire honteux, et ne rendent absolument pas compte du fait que les phénomènes de radicalités violentes sont complexes et protéiformes. 

Ces dispositions ne font finalement qu'entériner des pratiques d'un autre âge reposant sur l'idée qu'un fou est par nature dangereux.

Dispositions relatives au renseignement (339.75 KB) Voir la fiche du document

Dispositions relatives à la pérennisation de la loi SILT (263.64 KB) Voir la fiche du document

Dispositions relatives aux mesures de sûreté (188.26 KB) Voir la fiche du document

Dispositions relatives à l'interconnexion des fichiers relatifs aux soins psychiatriques (177.69 KB) Voir la fiche du document

Parallèlement, nous avons adressé aux parlementaires une lettre commune (ici) de l'Observatoire des libertés et du numérique - dont le syndicat est membre - et de Wikimedia France ainsi qu'une note d'alerte (ici) signée par plusieurs associations, syndicats, avocats et chercheurs membres du "réseau anti-terroriste" avec lequel nous élaborons des analyses depuis 2015 sur ces législations d'exception.