Justice pénale

Partant du constat que la peine de référence demeure l’emprisonnement et que les réformes successives ont échoué à endiguer la surpopulation carcérale, les peines dites alternatives n’ayant eu pour seul effet que de mordre sur les mesures de suivi en milieu libre ou les remises en liberté, nous avons tenté d’identifier les causes de cette surpopulation et de l’échec de la politique menée en la matière.

Nous avons formulé nos propositions pour endiguer le phénomène et  détaillé le mécanisme contraignant que nous portons depuis des années, régulant les sorties de détention lorsque le nombre de détenus dépasse le nombre de places ouvertes pour assurer un encellulement individuel.

 			
			                        
                                                        Nos observations sur la régulation carcérale (149.88 KB)                        
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Dans la suite des états généraux de la Justice et des annonces du garde des Sceaux du 5 janvier, un projet de loi de programmation de la justice sera discuté au Parlement au printemps. Nous avons ainsi été entendus ce 2 février s’agissant du volet pénal de l’avant-projet, lors d’une réunion bilatérale avec la direction des affaires criminelles et des grâces, avant l’envoi du texte au Conseil d’État.

Une fois n’est pas coutume, ce texte (hélas sans l’étude d’impact) nous avait été transmis suffisamment en avance par le ministère pour que nous puissions formuler des observations utiles que vous retrouverez ci dessous.

Globalement, l’avant-projet débute par un article d’habilitation du gouvernement à recodifier le code de procédure pénale « à droit constant » tout en intégrant, outre les dispositions actuelles du code de procédure pénale, des dispositions issues de la jurisprudence et des droits européen et international.

A cet égard, après avoir admis que le code de procédure pénale méritait d’être plus lisible et que le recours à l’ordonnance pouvait exceptionnellement se justifier pour assurer la cohérence de la recodification à droit constant, nous avons alerté sur la nécessité de mieux circonscrire l’habilitation. Ainsi, la mission particulièrement floue de « remédier aux insuffisances de la loi » ne saurait être confiée à l’exécutif sans précisions supplémentaires. S’agissant de l’intégration des «contraintes » (sic !) du droit de l’Union européenne, nous avons également insisté sur la nécessité de soumettre aux débats parlementaires la question de l’encadrement et de la consultation de l’accès aux données de connexion.

Les autres articles de l’avant-projet portent des modifications de la procédure pénale en matière d’enquête et d’application des peines, visant en particulier à promouvoir le travail d’intérêt général, et sur le champ de compétence de la CIVI.

Nos principales lignes rouges ont concerné les dispositions relatives à l’enquête, dont certaines, au premier rang desquelles l’extension considérable de la procédure de comparution à délai différé, sont gravement attentatoires aux libertés et vectrices d’emprisonnement en plus d’être mal rédigées et impraticables en juridiction. Dans la lignée des précédentes lois relatives à la procédure pénale, le parquet se voit doté de plus en plus de pouvoirs d’enquête, très peu entourés de garanties et maquillés par un pouvoir décisionnaire laissé au juge des libertés et de la détention. A l’inverse, le juge d’instruction voit peu à peu son office se réduire et l’information judiciaire – à raison – entourée de toujours plus de garanties. A situation identique, le couple parquet-JLD, dont le statut fragile n’est plus à rappeler, disposera de possibilités d’enquête plus importantes en flagrance que le juge d’instruction si une information est rapidement ouverte. L’avant-projet lui donne en effet la possibilité lors d’une enquête de flagrance de réaliser des perquisitions de nuit en cas de crime de droit commun, pouvoir dont le juge d’instruction ne dispose pas.

Plus globalement, alors que les conclusions du rapport Sauvé invitaient à une réforme systémique plutôt qu’à la multiplication des réformes que les juridictions ne sont pas mises en capacité d’absorber, nous déplorons que le gouvernement n’ait pas présenté la réforme ambitieuse que nous attendions et pourtant annoncée par le garde des Sceaux le 5 janvier 2023. L’avant-projet n’effleure même pas des sujets aussi essentiels que la régulation carcérale. Plus encore, il intervient en amont de la réforme constitutionnelle qui serait en préparation, et renforce encore les pouvoirs du parquet sans aucune garantie sur une modification future de son statut.

Dans l’attente de l’étude d’impact qui devrait accompagner le projet de loi de programmation, nous avons enfin réaffirmé l’importance de mesurer le plus rigoureusement possible les effets attendus de la réforme sur le fonctionnement des juridictions, afin de leur donner préalablement les moyens et le temps nécessaires à sa mise en œuvre.

Nos observations sur la LOPMJ (123.67 KB) Voir la fiche du document

La loi d'orientation et de programmation pour le ministère de l'Intérieur dite "LOPMI" a été adoptée le 14 décembre 2022 à l'issue d'une procédure accélérée. Le 19 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a été saisi de cette loi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution par plus de soixante députés  (Saisine n°2022-846 DC).

Depuis le début du processus législatif, nous sommes activement impliqués, aux côtés d'autres organisations (voir ici notre communiqué de presse avec le SAF, ou ici le programme de notre journée d'étude sur l'amende forfaitaire délictuelle) pour le décryptage et la dénonciation de ce texte qui, sous le titre trompeur de loi d'orientation et de programmation, modifie des pans entiers de la procédure pénale voire même, plus marginalement, du droit pénal. Il consacre également, par un budget historique et un doublement des effectifs police en sécurité publique, une vision purement sécuritaire et répressive des missions de police, y compris de la « filière investigation ».

Nous avons pu développer nos observations devant certains groupes parlementaires et devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, en alertant les parlementaires sur les risques d'une telle évolution pour les droits et libertés garantis par l'autorité judiciaire (voir ci-dessous). Comme nous le craignions, ce projet de loi a ensuite fait l'objet de multiples amendements, poussant encore plus loin certaines modifications de la procédure pénale ou du droit pénal (à l'image de la modification des éléments constitutifs du délit de menace de mort).

Nous contestons notamment le choix d’avoir eu recours à la procédure accélérée, pour un texte excédant largement la question budgétaire ou les orientations propres au ministère de l’Intérieur, ce qui porte nécessairement atteinte à l’essence du travail législatif au vu des incidences de ce projet de texte sur les équilibres démocratiques et le fonctionnement de la justice dont l’exemple de l’extension de l’AFD est le plus criant tout comme celui – périphérique mais ayant largement mobilisé cette année – de la police judiciaire ou encore l’évolution globale de la mission d’enquêteur, l’extension des autorisations générales de réquisitions.

Au fond, cette loi symbolise la quintessence du continuum sécuritaire aux mains du ministère de l'Intérieur, et non pas de sécurité ni même d'efficacité comme la présentent ses concepteurs. Nous avons d'ailleurs développé, dans un communiqué commun avec l'Observatoire des libertés et du numérique (ici), comment cette loi acte le passage dans un Etat de police, sur fond de « safe city », d’accoutumance technologique et d’impératif de vigilance.

C'est logiquement que nous avons donc rédigé en commun avec le SAF, le CNB et la LDH, une contribution extérieure (dite "porte étroite") que nous avons déposée le 30 décembre 2022 devant Conseil constitutionnel (voir ci-dessous).

Communiqué de presse LOPMI (95.33 KB) Voir la fiche du document

Observations LOPMI (201.86 KB) Voir la fiche du document

Porte étroite LOPMI (278.23 KB) Voir la fiche du document