Justice pénale

Alors que nous apprenions l’élaboration, par la direction des affaires criminelles et des grâces, d’un décret dit « COLDEN » relatif à la coordination en matière de politique de l’eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales, nous avons profité de notre rencontre bilatérale du 16 mai, initialement dédiée aux dispositions pénales du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, pour faire part de nos observations sur ce projet de décret (la version écrite ci-dessous).

D’une part, nous avons soutenu que les instances de dialogue social doivent obligatoirement être consultées dans le cadre de tels décrets touchant au fonctionnement et à l'organisation des services du parquet.

D’autre part, nous avons proposé des pistes d’amélioration relatives au ressort et au champ de compétence ainsi qu’à la composition du comité appelé COLDEN, afin qu’il soit véritablement à même de permettre un traitement judiciaire des infractions environnementales à la hauteur des enjeux, ce qui implique une distinction claire entre le traitement administratif et le traitement judiciaire des atteintes à l’environnement.

 

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Supprimer les sanctions pour la simple consommation de drogues dès demain : c'est possible et c'est simple !

Paris, le 26 juin 2023. Chaque année, le 26 juin est la journée internationale « Support. Don’t Punish » : partout dans le monde, militants et associations défendent des réformes des politiques des drogues pour favoriser l’accès aux programmes de réduction des risques et aux dispositifs de soins, lutter contre la répression et les discriminations liées à l’usage de drogues. La nouveauté cette année ? Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD), constitué d’une quinzaine d’organisations*, lance un appel à signer une pétition déposée sur le site internet de l’Assemblée nationale proposant une loi pour mettre fin aux sanctions pour simple consommation de drogues.

Par cette action, le CNPD dénonce l’absurdité de la prohibition instaurée par la loi du 31 décembre 1970. Elle se traduit par une politique de plus en plus répressive, sanctionnant la consommation de drogues, dont l’inefficacité et les effets délétères sont largement documentés.

Entre 2016 et 2020, près d’une personne sur 5 (18%) des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie l’a été pour une infraction à la législation des stupéfiants. 80% de ces interpellations concerne l’usage simple et non pas le trafic1.

La seule réponse appropriée, et qui a fait ses preuves, est une politique de santé publique. La réduction des risques est inscrite dans la loi depuis 2004 et a été confortée par la loi de modernisation de notre système de santé en 2016, ainsi que par l’arrêté du 26 janvier 2022 portant approbation du cahier des charges national relatif aux haltes soins addiction. Mais elle reste aujourd’hui entravée. Supprimer les sanctions pour usage de drogues permettrait de développer cette politique d’accès à la prévention et aux soins. Elle aurait pour conséquence d’améliorer la lisibilité du cadre juridique, d’apporter de la cohérence aux politiques publiques, et de mettre fin à une répression qui génère des discriminations et n’a d’autre objet qu’une forme de contrôle social.

La suppression des sanctions pour usage de drogues est une mesure simple et efficace. La France en a désespérément besoin pour répondre aux impératifs de promotion de la santé, de protection des populations, de justice sociale et de gestion efficace des finances publiques. 

Face à des débats politiques sur les drogues trop souvent caricaturaux, empreints de fausses informations et de stigmatisation à l’encontre des consommateurs, le CNPD apporte des éléments de réponse clairs, précis, ayant une réelle assise juridique et soutenus par des preuves scientifiques avérées.

*Organisations membres du CNPD : Association Guyanaise de réduction des risques (AGRRR), Aides, Autosupport des usagers de drogues (ASUD), Cannabis Sans Frontières, collectif Police Contre la Prohibition, Fédération Addiction, Ligue des Droits de l’Homme, Groupe de Recherches Clinique sur les Cannabinoïdes (GRECC), Médecins du Monde, NORML France, Observatoire International des Prisons, SAFE, SOS addictions, Syndicat de la Magistrature.

 

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1 Interstats, Services statistique ministériel de la Sécurité intérieure, n°38, version du 22 mars 2022

En 2016, le gouvernement annonçait la construction de 10 000 nouvelles places de prison pour l’horizon 2024 alors que, au mépris du principe de l’encellulement individuel et de la dignité des personnes, près de 15 000 personnes étaient en surnombre et une quarantaine de maisons d’arrêt connaissaient un taux d’occupation de plus de 150%.

Au 1er avril 2024, le constat est sans appel : 73 080 personnes sont détenues pour 60 899 places opérationnelles soit une densité carcérale globale est de 120 %, contre 117 % il y a un an et 118 % le 1er mars, certaines maisons d’arrêt dépassant les 200 % de suroccupation.

La construction de prison est donc une vieille recette qui a déjà fait la preuve de son inefficacité et que les gouvernements successifs continuent pourtant de servir comme la seule solution pragmatique et ce en dépit des résultats de nombreuses études et statistiques qui la pointent au contraire comme inopérante, que ce soit pour endiguer la surpopulation carcérale ou pour réduire la récidive.

Ainsi depuis 25 ans, près de 30 000 places de prison ont été construites, un effort immobilier inédit entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire. Sans effet cependant sur la surpopulation car dans le même temps, le pays a emprisonné toujours plus et de plus en plus longtemps, sous le coup de politiques pénales essentiellement répressives1.

En France comme ailleurs, la courbe du nombre de personnes détenues n’est pas tant liée à celle de la délinquance qu’aux choix de politiques pénales de l’exécutif. Des politiques qui se sont concrétisées dans notre pays par l’allongement de la durée moyenne de détention et par une incarcération massive pour des petits délits.

 

La loi de programmation Justice 2018 comportait également des dispositions visant à accélérer la construction de places de prison et prévoyait la création de 20 nouveaux centres fermés pour enfants et adolescents.

Or, plus on crée de places d’enfermement, plus on enferme et ces lieux de relégation sont criminogènes et ne favorise pas la réinsertion. La prison aggrave l’ensemble des facteurs de délinquance en fragilisant les liens familiaux, sociaux ou professionnels, favorise les fréquentations criminogènes, et n’offre qu’une prise en charge lacunaire – voire inexistante – face aux nombreuses problématiques rencontrées par la population carcérale en matière d’addiction, de troubles psychiatriques, d’éducation, de logement, d’emploi, etc.

Tandis que les moyens manquent cruellement aux personnels et aux structures qui assurent l’accompagnement socio-éducatif et l’hébergement des sortants de prisons et personnes condamnées en milieu ouvert, le gouvernement engloutit des milliards d’euros dans l’accroissement et la sécurisation du parc pénitentiaire.

Pour lutter efficacement contre l’inflation de la population pénale et carcérale, nous rappelons que c’est d’une politique pénale humaniste, ambitieuse et audacieuse, visant à investir massivement dans la prévention, l’accompagnement et le suivi en milieu ouvert, dont notre société a besoin et que nous développerons ci-après.

1En onze ans, 3 600 infractions pénales nouvelles, de la contravention de première classe au crime, ont été ajoutées à l’arsenal existant, représentant une hausse de 31 %, selon la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice. 120 infractions ont été créées ou durcies durant la législature 2017-2022.

 

 

Nos observations détaillées ici : Observations du Syndicat de la magistrature dans le cadre du contrôle budgétaire par la commission des finances le 23 mai 2023 et de la création de 15000 places de détention supplémentaires (183.8 KB) Voir la fiche du document

Par courrier du 6 décembre 2022 cosigné par le ministre de l’intérieur et des outre-mer et le ministre de la justice, garde des sceaux, l’inspection générale de la justice (IGJ), l’inspection générale de l’administration (IGA) et les inspections générales de la police et de la gendarmerie nationale ont été désignées conjointement pour conduire deux missions distinctes chargées notamment :

- de fiabiliser le nombre des procédures en cours tant dans les services de police, y compris au sein de ceux appartenant à la préfecture de police de Paris que dans les unités de gendarmerie ;

- d’analyser les causes justifiant l’existence de ces stocks ;

- d’élaborer après constat toutes propositions visant à la résorption raisonnée de ces stocks, à la diminution de leur ancienneté et à leur non renouvellement.

La lecture de la lettre de mission et notamment des évènements donnant lieu à cette inspection montre d’ores et déjà les biais de l’analyse qui pourrait être réalisée autour d’un fait divers, aussi dramatique soit-il, que le fait divers de Mérignac. Interroger la seule nécessité de gérer des stocks est une impasse en ce que cela ne répond qu’à un symptôme et s’éloigne de la question du sens donné à une approche uniquement répressive de faits sociaux dont les causes sont multiples. Raisonner en terme de responsabilité des magistrats plutôt qu’en terme de besoin de justice ne saurait non plus être satisfaisant, les changements devant s’opérer en amont de ces décisions et donc au niveau politique pour y répondre.

C’est pourquoi, le Syndicat de la magistrature, entendu le 15 mai, lors d’une table-ronde rassemblant les syndicats de magistrats, a développé les observations suivantes, autour de deux axes : l’état de la situation et l’analyse des solutions déjà mises en place (I), nos propositions et pistes de travail (II).

 

Nos observations détaillées ici :

 

Observations du Syndicat de la magistrature dans le cadre de la mission d’inspection sur les stocks de procédure (195 KB) Voir la fiche du document