Justice pénale

Le Syndicat de la magistrature a choisi de ne pas faire de proposition alternative ou d'amendement à la proposition de loi déposée par le sénateur Buffet, compte tenu des conditions actuelles d'incarcération tant en termes de surpopulation que de vétusté des établissements. En revanche nous avons adressé aux députés et sénateurs des observations et recommandations communes avec l'Observatoire International des Prisons, le Syndicat des avocats de France et l'Association pour la défense des droits des détenus.  

Note PPL relatif au respect de la dignité en détention (163.28 KB) Voir la fiche du document

Le 1er mars 2021, a expiré le délai laissé à l'Etat par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 octobre dernier, pour modifier l'article 144-1 alinéa 2 du code de procédure pénale afin que les conditions de détention indignes puissent motiver une demande de remise en liberté pour un détenu provisoire. 

Depuis ce jour, en l'absence de modification, cette disposition est donc abrogée. 

Vous trouverez en pièce jointe la tribune que nous avons co-signée avec d'autres organisations (l'OIP, le SAF, l'A3D, l'ANJAP, la commission liberté et droits de l'homme du CNB, l'ADAP et la FNUJA) et qui a été publiée dans Le Monde le 17 février dernier pour alerter le gouvernement et le public sur l'urgence à engager un processus de décroissance carcérale  afin de répondre notamment aux exigences de la CEDH dans son arrêt de violation de l’article 3 de la convention  du 30 janvier 2020 qui a donné lieu à la décision du Conseil constitutionnel.

Il nous apparaît en effet indispensable de réfléchir - enfin - en amont à l'ensemble de la politique pénale pourvoyeuse d'incarcération pour mettre fin de façon pérenne à la surpopulation carcérale mais aussi pour qu'un recours permettant de mettre fin aux conditions de détention indignes subies par les détenus puisse être effectif, comme l'exige l'arrêt de la CEDH.

Le fait que le gouvernement ait laissé passer sans réaction la date butoir fixée par le Conseil constitutionnel montre bien le peu d'intérêt porté par ce dernier à la dignité des personnes placées en détention, mais aussi aux magistrats chargés d'appliquer des textes désormais amputés car déclarés pour partie inconstitutionnels. Nous invitons d'ailleurs tous les JLD et les juges d'instruction à nous faire remonter les difficultés rencontrées sur le terrain dans le cadre de demandes de mises en liberté.

Dans le cadre d'une QPC à laquelle le Syndicat de la magistrature est intervenu volontairement, le Conseil constitutionnel va être amené prochainement à se prononcer également sur les dispositions relatives aux aménagements de peine et leur conformité à la Constitution en l'absence de critère relatif aux conditions de détention indignes. Il est donc probable que les dispositions relatives aux détenus en exécution de peine se trouvent affectées. 

En l'état, une proposition de loi a été déposée par le Sénat par François-Noël Buffet qui semble être considérée comme la sortie de secours du gouvernement (en l'absence d'autre projet) et passera en procédure accélérée. Cette proposition ne répond malheureusement pas à l'ampleur du problème puisqu'encore une fois, sans véritable politique de décroissance et de régulation carcérales, un tel recours ne pourra être effectif (c'est-à-dire atteindre son objectif) comme l'exige la CEDH, la situation étant rendue plus critique encore par le sous-effectif chronique des magistrats.

Le Syndicat de la magistrature poursuit également son travail aux côtés d'autres organisations à destination des parlementaires pour qu'enfin la dignité des personnes détenues soit respectée.

 

Tribune dans le journal Le Monde (1.29 MB) Voir la fiche du document

Le bureau du Syndicat de la magistrature a été entendu le 27 janvier, à sa demande, par la commission sur les droits de la défense durant l’enquête pénale et le secret professionnel des avocats. Constatant que la commission, chargée par le ministre le 18 septembre dernier (cf lettre de mission jointe) de rendre un rapport pour le 20 décembre 2020, nous proposait, début janvier, de lui rendre dans les dix jours une contribution écrite, nous avons en effet jugé que l’importance du sujet, dans la perspective du projet de loi modifiant la procédure pénale en préparation pour le printemps, justifiait de nous imposer et faire entendre notre voix malgré les conditions dans lesquelles cette réforme est décidée et préparée - peut-être même à plus forte raison à cause de ces conditions. Cette demande de contribution écrite était en effet une première, toutes les commissions précédemment désignées par les ministres de la justice successifs sur des sujets centraux pour le fonctionnement de la justice n’ayant jamais manqué d’auditionner les organisations syndicales.  

La composition de la commission a d’ailleurs évolué, depuis que la presse avait révélé, mi-novembre, qu’elle ne comportait que des membres avocats, un procureur de la République et le directeur de la police judiciaire parisienne, ce que nous avions dénoncé par un communiqué de presse, pour aboutir à une représentation un peu plus équilibrée des professions concernées par l’enquête pénale. 


Le questionnaire qui nous a été adressé par la commission préalablement à notre audition ne porte que sur quelques points précis de la procédure pénale, en résumé le moment et les modalités de l’intervention des parties et de leurs avocats pendant l’enquête préliminaire, les droits de recours qui pourraient être ouverts pendant cette phase d’enquête, la limitation de sa durée, et enfin le secret professionnel de l'avocat. Il nous est apparu nécessaire, malgré le temps réduit de réflexion que nous avons dénoncé, de ne pas cantonner nos observations à ces sujets, et d’interpeller la commission sur la nécessaire cohérence de ses travaux avec les autres variables présidant aux équilibres de la procédure pénale

Vous trouverez ci-joint nos observations écrites présentées lors de notre audition. 

Nous nous sommes attachés à rappeler les éléments structurels (statut du parquet, nombre de magistrats et de greffiers, organisation de la police judiciaire, modalité d’interventions du JLD, périmètre du TTR) extérieurs aux dispositions précises du code de procédure pénale relatives à l’enquête préliminaire, qui constituent des points d’ancrage fondamentaux sans lesquels aucune réforme ne saurait correctement prospérer. Nous avons rappelé les préconisations de l’Inspection générale de la Justice dans son rapport sur l’attractivité des fonctions de magistrat du ministère public, que nous avions saluées, et dont la chancellerie ne s’est pas saisie. Alors que ces pré-requis essentiels pour la conduite des enquêtes n’existent toujours pas, le législateur n’a cessé de faire évoluer les dispositions du code de procédure pénale, pour permettre, pendant l’enquête de flagrance et préliminaire, des actes de plus en plus coercitifs et intrusifs sous le contrôle du JLD, sans cohérence ni vision d’ensemble, faisant ainsi reculer le périmètre des affaires objets d’une instruction. Comme le préconisait déjà le rapport déposé par Jacques Beaume en 2014, c’est ainsi à une véritable remise à plat des conditions posées pour chaque acte d’enquête (autorité compétente, délai, voie de recours…) que devrait aujourd’hui se livrer le législateur. Le syndicat propose depuis longtemps dans cette perspective une fusion des enquêtes préliminaires et de flagrance et la création d’un régime spécifique d’actes d’enquête dont le champ serait limité aux réelles urgences.

A partir des constats précités sur le statut, l’organisation et les moyens, nous avons considéré qu'il n’était pas envisageable de transposer l’ensemble des droits exercés pendant la procédure d’instruction à l’enquête préliminaire. Nous nous sommes opposés à l’idée d’un délai butoir pour les enquêtes préliminaires, dont la durée s’explique globalement par les insuffisants moyens de la justice. Nous avons relevé la nécessité d’une cohérence entre les régimes d’enquête, la procédure à l’instruction n’étant ouverte au contradictoire que dès lors que des indices suffisants sont relevés à l’encontre de la personne visée. Nous avons ainsi proposé des pistes, et notamment d’organiser, sous le contrôle du JLD, des passerelles de l’enquête préliminaire vers la procédure d’instruction dès lors que le JLD estime, par un contrôle de proportionnalité identique à celui qui préside aux autorisations qu’il donne au parquet pendant l’enquête, que les éléments de l’enquête justifient l’ouverture du contradictoire et un contrôle juridictionnel de la régularité des actes. Nous avons insisté sur les moyens importants que nécessiterait, outre le rattrapage nécessaire en l‘état du droit, une telle réforme, moyens qui ne peuvent toujours pas être évalués correctement en l’absence de volonté réelle de la chancellerie depuis des années d’avancer sur les référentiels. 

Nous avons par ailleurs proposé quelques évolutions concernant la protection du secret professionnel des avocats, qui fait déjà, en dehors des fadettes, l’objet de dispositions spécifiques très protectrices, tout en estimant que la distinction actuelle protégeant moins le secret dans le cadre d’activités de conseil, que celui lié à l’exercice des droits de la défense, était équilibrée et ne devait pas bouger sous peine de nuire aux investigations. Nous proposons ainsi non pas d’élargir le champ de la protection, mais de renforcer les garanties entourant la décision de recourir aux actes susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense (écoutes, fadettes, perquisitions). 

Bien que ce sujet ne soit pas directement de la compétence de la commission, nous avons souligné que le projet d’expérimentation de l’avocat en entreprise soutenu par le garde des Sceaux soulèverait d’inextricables difficultés pour la justice économique et financière au regard du régime actuellement en vigueur protégeant le secret professionnel de l’avocat

Au-delà des propositions contenues dans ces observations, nous soulignons la grande lassitude - voire le désespoir - des professionnels de justice dans un contexte marqué par des réformes incessantes, erratiques, dictées par l’actualité et des considérations politiciennes, si bien que le gouvernement est capable, sous la même mandature présidentielle et avec la même majorité, de faire puis défaire sans aucune cohérence, sans aucune colonne vertébrale, sans aucune vision et perspective pour la Justice.

En 2018 et 2019, nous avons ardemment combattu, aux côtés de nombreuses autres organisations, ce qui devait devenir les loi du 23 mars 2019 : outre la destruction de la justice de proximité à travers la fusion TI/TGI, avant sa réincarnation fallacieuse cette année sous la forme d’une résurgence du thème de la lutte contre les incivilités, nous avions dénoncé, notamment dans un document appelé « la grande braderie des libertés », les reculs des garanties et des droits de la défense contenus dans les modifications du code de procédure pénale envisagées puis votées. Le Conseil constitutionnel a, fort heureusement, censuré une bonne partie des dispositions les plus attentatoires aux principes fondamentaux. Aujourd’hui la commission est chargée de réfléchir aux évolutions nécessaires pour mieux garantir les droits de la défense, à partir du prisme extrêmement limité d’une affaire pénale particulière qui a fait pousser, pour reprendre une expression qu’affectionne notre garde des Sceaux, des cris d’orfraie, alors qu’elle n’était que l’illustration de l’application de la loi. 

Le calendrier précipité de cette réforme de la procédure pénale, dont les contours demeurent incertains, et dont nous avons souligné qu’elle ne pouvait en aucun cas être mise en oeuvre à moyens constants, n’est pas de nature à nous rassurer. 

Nos observations sur la procédure pénale (504.99 KB) Voir la fiche du document

Lettre de mission (104.79 KB) Voir la fiche du document

Le Syndicat de la magistrature a participé le 21 janvier dernier à une conférence de presse organisée par le Collectif pour une nouvelle politique des drogues, dont nous sommes membres aux côtés d’une vingtaine d'organisations fédérant des acteurs du champ du médico-social, des usagers, des policiers, ainsi que le SAF et la LDH (Fédération addiction, Police contre la prohibition, Aides, Médecins du Monde, Asud…).

L’actualité est marquée par la volonté de parlementaires, y compris de la majorité et du groupe Les Républicains, de faire avancer la législation sur le cannabis (cf notre mail précédent sur notre audition par la mission parlementaire sur le cannabis). Une consultation citoyenne a été lancée le 14 janvier par la mission. Caroline Janvier, députée LREM et rapporteure de la mission cannabis, a ainsi indiqué dans une interview cette semaine qu’elle souhaitait porter le sujet de la légalisation du cannabis pour qu’il figure au programme de l’élection présidentielle en 2022. 

Dans ce contexte, qui est aussi celui du cinquantième anniversaire de la loi de 1970 prohibant les stupéfiants, le collectif a commandé un sondage sur les perceptions des français, qu’il a rendu public lors de cette conférence de presse. Au delà de ce sondage, qui est essentiellement un élément de communication pour porter le sujet sur le devant de la scène, cet événement avait pour but de rappeler nos arguments de fond sur les limites de la politique publique mise en oeuvre, dans laquelle la répression prend le dessus et fait obstacle aux politiques de dépistage, prévention, réduction des risques et prise en charge. 

Quelques exemples de retombées presse : 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/21/une-tres-forte-majorite-de-francaises-et-de-francais-favorables-a-un-debat-sur-la-politique-des-drogues_6067121_3224.html 
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/drogues-la-penalisation-de-l-usage-inefficace-pour-deux-tiers-des-francais-20210121 
https://www.liberation.fr/france/2021/01/25/cinquantieme-anniversaire-de-la-loi-de-1970-la-guerre-lancee-a-la-drogue-est-un-echec_1818324 

Vous trouverez ci-joint l’infographie élaborée par le collectif et présentée lors de la conférence de presse. 

Nous poursuivrons ces actions collectives tout au long de l’année, afin d’accompagner le mouvement qui s’intensifie pour l’ouverture d’un véritable débat sur la politique publique en matière de drogues, bien loin des coups de menton d’un exécutif qui reste pour le moment sourd aux constats des professionnels de tous les champs et dont la résistance constitue aujourd’hui la principale source de blocage aux réformes. 

Infographie (1.01 MB) Voir la fiche du document