Indépendance et service public de la justice
Pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales - Nos observations
Lors du CSA-SJ du 14 septembre, les organisations syndicales ont été invitées à donner leur avis sur l’avant-projet de décret instaurant des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel, avant transmission au Conseil d’État.
Si notre syndicat s’est positionné en faveur du principe de la mise en place de ces pôles qui, comme leur nom l’indique, ont vocation à assurer une meilleure spécialisation des magistrat·es ayant à connaître du contentieux des violences intrafamiliales, nous avons, avec la CGT, fait le choix de nous abstenir au moment du vote. En effet, l’extrême souplesse, revendiquée par la direction des services judiciaires, des dispositions de l’avant-projet de décret a pour conséquence non pas d’assurer la garantie d’un meilleur traitement de ces violences, mais d’entériner des pratiques qui existent déjà dans de nombreuses juridictions et que l’on sait insuffisantes.
Ainsi, par exemple, l’avant-projet de décret reste extrêmement superficiel concernant la composition des pôles, la « spécialisation » de leurs membres en termes de formation, ainsi que la périodicité des réunions du comité de pilotage unique d’évaluation et de suivi. En outre, les membres des « pôles » ne bénéficieront pas nécessairement d’un temps dédié pour mener à bien leurs nouvelles missions.
Craignant que la création de pôles spécialisés relève surtout de l’affichage politique plutôt que d’une réelle volonté d’améliorer en profondeur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, nous avons formulé des observations et propositions que vous trouverez ci-dessous.
Projets de lois justice : nos fiches synthétiques
Les deux projets de loi sur la justice seront examinés en commission des lois de l'Assemblée nationale cette semaine, avant d’être débattus en séance publique à l'Assemblée nationale début juillet.
Dans ce cadre, nous avons été entendu·es par les commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale ainsi que par plusieurs groupes parlementaires. Nous avons particulièrement attiré l’attention sur certaines dispositions qui nous semblent porter gravement atteinte au corps judiciaire, à l’indépendance de la justice et aux droits et libertés des justiciables.
Afin de rendre plus lisibles les enjeux de ces projets de loi, nous avons réalisé des fiches synthétiques sur les dispositions qui nous semblent être les plus problématiques. Vous les trouverez ci-dessous.
Fiche synthétique JLD (529.73 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique saisie des rémunérations (693.01 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique TAE (628.67 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique comparutions immédiates (564.75 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique attachés de justice (653.92 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique flexibilité (623.04 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique recrutements (639.81 KB) Voir la fiche du document
Fiche synthétique discipline (567.75 KB) Voir la fiche du document
Museler la liberté d’expression syndicale des magistrats au nom de l’impartialité !
communiqué de presse
Museler la liberté d’expression syndicale des magistrats
au nom de l’impartialité !
Impartialité. C’est le principe convoqué hier au Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. Un amendement vient ainsi d’être adopté par une poignée de sénateurs et sénatrices pour encadrer – comprenons annihiler – le droit syndical des magistrats qui devra s’exercer « dans le respect du principe d’impartialité qui s’impose aux membres du corps judiciaire ».
La volonté de museler l’expression syndicale ne fait aucun doute. La seule lecture des motifs de l’amendement, qui reproche aux syndicats de magistrats d’intervenir sur des questions « strictement politiques », suffit à convaincre. Arrimer l’impartialité à la liberté d’expression syndicale constitue pour les sénateurs « un signe fort » portant la confusion à son paroxysme.
Si l’impartialité constitue un principe cardinal de l’activité juridictionnelle des magistrats, elle ne s’applique pas à l’expression syndicale qui participe à la vitalité du débat public démocratique ! C’est précisément ce que vient de rappeler solennellement la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) il y a quelques jours : en condamnant la Turquie pour avoir sanctionné disciplinairement une magistrate représentante syndicale pour une prise de parole dans les médias, la Cour a jugé que l’intéressée avait le droit, mais aussi le devoir, d’exprimer son avis dès lors que ses déclarations relevaient d’un débat sur des questions d’intérêt public appelant un niveau élevé de protection, estimant par ailleurs qu’en tant que représentante d’un syndicat de magistrats, elle assumait un rôle d’acteur de la société civile (1).
L’impartialité n’est pas la neutralité de l’expression syndicale, à laquelle veut nous contraindre cette disposition que nous contestons fermement.
Cette disposition, qui dévoie le principe d’impartialité en cultivant la confusion entre office du juge et expression syndicale, vise aussi à mettre en cause les magistrats syndiqués dans leur office juridictionnel. Les exemples récents de magistrats attaqués sur leur impartialité à la suite de décisions qui ont déplu au pouvoir politique sont éloquents.
Cet ajout à l’ordonnance statutaire place une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’ensemble des magistrats syndiqués qui pourraient se voir poursuivis disciplinairement parce que leur parole ou leurs décisions ne plairaient pas… et vise ainsi à anéantir le droit syndical des magistrats. Cette atteinte à la liberté syndicale est inacceptable pour nos organisations.
Nous appelons les députés à protéger notre démocratie et à voter un amendement de suppression de cette tentative inédite de neutraliser le droit syndical des magistrats.
(1) CEDH, 6 juin 2023, Sarısu Pehlivan c. Türkiye, req. N°63029/19.
Museler la liberté d'expression syndicale - communiqué (204.88 KB) Voir la fiche du document