Indépendance et service public de la justice

Le 5 janvier, Eric Dupond-Moretti a – enfin – annoncé son « plan d’action » pour le quinquennat, partiellement inspiré des états généraux de la justice. Il s’est d’abord adressé à la presse, puis aux conférences des chef·fes de cours et de juridictions, puis en fin de journée, aux organisations syndicales.

Ces annonces sont-elles celle du changement systémique que nous attendions et que le rapport Sauvé, quoique prudent dans ses propositions, préconisait également pour secourir la justice dans un état de « délabrement avancé » ?

La bonne nouvelle est indéniablement celle de la hausse conséquente des moyens jusqu’en 2027, qui marque un changement de cap par rapport à l’abandon des gouvernements successifs de ces dernières décennies. Cette avancée est le signe que la mobilisation des professionnel·les a payé. Au gré des mobilisations collectives, par le biais de la presse, de grèves et manifestations, de recours, d’actions simultanées au local, nous avons su faire entendre notre voix et faire basculer le rapport de force.

Néanmoins, des moyens humains et matériels, indispensables, ne suffiront pas à restaurer une justice au bord de la rupture, à assurer son indépendance, à mettre fin à la politique gestionnaire tant décriée par les professionnel·les, à redonner toute sa place à la justice civile et à sortir du cercle infernal du tout sécuritaire et du tout répressif.

D’autres réformes sont essentielles pour espérer regagner la confiance des justiciables. A ce titre, la réforme du statut du parquet ou encore celle de la suppression de la Cour de justice de la République, pourtant indispensables pour prémunir la justice des ingérences du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, sont les grandes absentes des annonces d’hier.

Ainsi, vous trouverez en pièce-jointe notre communiqué de presse, détaillant notre réaction à un plan d’action en demi-teinte.

Nous resterons très vigilant·es à toutes les réformes concrètes qui en découleront et réclamons que le dialogue social, si cher à notre garde des Sceaux, ne se résume pas à un simulacre de consultation des organisations syndicales.

 

Annonces du plan d'action du garde des Sceaux - CP () Voir la fiche du document

Vous trouverez ci-dessous le détail de nos observations développées devant les missions d'information initiées par l'Assemblée nationale et par le Sénat concernant la réforme de la police nationale.

Réforme PJ - Obs. MI Sénat () Voir la fiche du document

Réforme PJ - Obs. MI Assemblée nationale () Voir la fiche du document

Mobilisation générale contre une justice au rabais : notre CP commun () Voir la fiche du documentIl y a un an, dans un contexte de lancement des états généraux de la justice, les professionnels de justice se sont massivement fait entendre pour dénoncer le dilemme intenable auquel ils sont tous les jours confrontés : « juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables ».

Que s’est-il passé depuis un an ? La mobilisation aura permis une libération de la parole des professionnels sur leurs conditions de travail déplorables, mais également une prise de conscience globale sur l’état de la justice en France forçant l’exécutif à réagir : depuis la conférence de presse du 13 décembre 2021, les annonces et les coups de com’ se succèdent, et notre ministre de la Justice tente désormais d’instiller l’idée selon laquelle il a enfin « donné à la justice les moyens de travailler ».

Toute personne qui a posé un pied en juridiction cette dernière année sait que cela est faux. La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées qui se terminent trop souvent au milieu de la nuit, des délais au-delà du raisonnable, des jugements non expliqués, des décisions exécutées plusieurs mois – voire années – après. Ce sont toujours des tribunaux vétustes et des logiciels des années 90. Ce sont toujours des magistrats qui, en dépit des attaques à leur indépendance, renoncent à leurs congés et à leurs formations pour rédiger leurs décisions, des greffiers et fonctionnaires, relégués ou précarisés, qui renoncent à se faire payer leurs heures supplémentaires et des avocats contraints d’assister les citoyens dans un service public dégradé qu’ils subissent également. Ce sont des professionnels en proie à une perte de sens qui s’épuisent au travail et des justiciables réduits à l’état de « dossiers » et de « stocks »

Si des recrutements de magistrats et de fonctionnaires de greffe sont prévus pour 2023, ils sont largement insuffisants et aucun plan d’action clair n’a été défini comme l’exigerait pourtant l’urgence de la situation. Et lorsque des organisations syndicales demandent unanimement une expertise sur le risque grave auquel sont exposés les personnels, le ministère répond tout simplement non.

Outre une réelle stratégie pour le recrutement de professionnels pérennes, nous revendiquons l’adaptation de l’activité des juridictions aux effectifs dont elles disposent et le respect de la législation du travail. Nous exigeons que les droits de la défense soient réellement accessibles à toutes et tous.

Ainsi, pour montrer notre détermination commune à dénoncer la justice au rabais, nous appelons l’ensemble des magistrats à renvoyer toutes les audiences le 22 novembre prochain et l’ensemble des professionnels de justice, avocats, fonctionnaires de greffe et agents contractuels, équipes éducatives, personnels pénitentiaires, d’insertion et de probation, magistrats à participer à des rassemblements dans leurs juridictions. A Paris, le rassemblement aura lieu au TJ de Paris à midi.

Mobilisons-nous ensemble pour une justice de qualité !